Ainsi donc William Christie ouvre les jardins de sa belle propriété de Vendée au public. Tel Candide voilà que le fondateur des bien nommés Arts Florissants invite le public à se promener dans les allées bien tenues de son domaine, tout en écoutant de brefs concerts où sont distillés, parmi le parfum des simples et des roses, les plaintes de Purcell, des Suites pour clavecin de Rameau ou encore des madrigaux de Luca Marenzio. Peut-être peut-on même y apercevoir, justement, une rose William Christie, puisque le célèbre musicien a désormais une fleur toute de délicatesse qui porte son nom (photo ci-dessus). Pour en cultiver d'ailleurs dans mon propre jardin, je peux témoigner de son élégance...

Le symbolisme du jardin vient de loin. Il est de tout temps associé au Paradis terrestre, mais aussi au Paradis céleste et illustre l'état premier de l'humanité avant la chute d'Adam. C'est aussi cette image qui préside à la construction des jardins du Moyen Age ou du monde musulman. On peut y voir aussi le symbole de la culture intellectuelle face au désordre de l'ignorance. C'est au coeur des jardins de Babylone que coule la fontaine d'immortalité d'où dérive peut-être le mythe de la fontaine de Jouvence (photo ci-dessous : Edouard Ravel, La Fontaine de Jouvence, collection particulière). Pour l'Extrême Orient le jardin est un résumé du cosmos, une véritable réduction du monde avec des codes bien précis.

En cette année de commémoration des 400 ans d'André Le Nôtre, le jardinier le plus célèbre de France, les concerts se multiplient dans les jardins et les artistes rivalisent d'imagination pour concocter des programmes autour de ce thème.

Il faut dire que les compositeurs leur rendent la tâche facile, ayant de tout temps utilisé la métaphore du jardin, des fleurs, de la forêt comme source d'inspiration. On ne compte plus les madrigaux de la Renaissance écrits sur ces thèmes bucoliques, jusqu'au merveilleux recueil de la Selva morale e spirituale (Forêt morale et spirituelle) dans lequel Monteverdi propose une compilation de quarante pièces représentant les meilleurs productions de sa longue vie.

Avec un peu de curiosité, de fantaisie et quelques mots clés vous pourrez trouver sans peine sur votre Qobuz de nombreuses musiques évoquant la nature et le jardin. Des exemples ? Le jardin des Noces de Figaro ou celui de Cosi fan tutte, celui de Gilda où l'enferme son père Rigoletto, les jardins secrets de Maurice Ravel dans Ma Mère l'oye (Jardin féerique) ou dans L'Enfant et les sortilèges, ce dernier étant peut-être le Jardin extraordinaire de Charles Trenet. En passant vous pourrez aussi suivre Albéric Magnard dans ses Promenades décrivant quelques beaux jardins d'Ile de France. Avec un bon parapluie vous rêverez dans les Jardins sous la pluie de Debussy, dans Le Jardin d'Anna de Poulenc ou dans le Sous-bois qu'Emmanuel Chabrier (photo ci-dessous : Chabrier par Catherine Faure) peint à la manière de Monet dans ses Dix Pièces pittoresques.

Le thème est sans fin, mais, attention, une promenade au jardin n'est pas sans risque si l'on se souvient de Meurtre dans un jardin anglais, le film de Peter Greenaway qui a pour cadre le XVIIe siècle avec une intrigue compliquée et passionnante, sur la musique de Michael Nyman.

Dans un registre plus intime, mais tout aussi dramatique et non fictionnel, j'aimerais évoquer le grand poète Rainer Maria Rilke, mort à la suite d'une piqûre de rose, en 1926, ou la grande cantatrice Suzanne Danco qui, une fois retirée de la scène, cultivait avec passion son jardin de Fiesole sur les hauteurs de Florence. Dans ce sublime endroit, d'où on apercevait la coupole de Brunelleschi brillant dans le lointain, elle photographiait chaque année ses fleurs et en faisait de très beaux albums qu'elle montrait avec fierté à ses visiteurs éblouis. Elle disait aussi à qui voulait l'entendre que son rêve serait de mourir dans son jardin, rêve exaucé par la Destinée en ce funeste été de l'An 2000 où elle rendit l'âme parmi ses roses.

Classique : François Hudry 18/09/2013 par qobuz.com