C'est à un véritable feu d'artifice vocal que nous convient les labels discographiques pour cette rentrée 2013. J'ai déjà parlé dans ces colonnes de la performance exceptionnelle de Placido Domingo nous revenant en baryton dans un ultime bouquet final pour interpréter les grands rôles verdiens de Macbeth à La Force du destin, avec une indiscutable autorité qui force admiration et respect. Autre poids lourd du label américain, Jonas Kaufmann dont on attend avec impatience l'album Verdi promis pour le 16 septembre. Avec une ligne de chant très pure, un héroïsme conquérant et un style sans boursouflure, le ténor allemand enfile les perles du répertoire verdien dans les airs les plus célèbres, nous réservant aussi quelques surprises moins attendues, comme la scena Destavi, o pietre ! de I Masnadieri, datant des "années de galère" du jeune Verdi. Chez DECCA, on ne s'est guère creusé la cervelle pour titrer le dernier album du ténor maltais Joseph Calleja, dont la parution est prévue pour le 9 septembre : Amore. Ça paye toujours, surtout avec les tubes inoxydables signés Tosti, Dalla (Caruso), Morricone, Offenbach, et aussi La Vie en Rose, l'immortelle chanson écrite par Edith Piaf avec la musique de Louigy et Marguerite Monnot.

Cette floraison automnale fait aussi la partie belle à la voix de falsettiste qui a décidément le vent en poupe. Avant de modifier un peu son répertoire pour l'orienter vers des "voies plus spirituelles", Philippe Jaroussky consacre la renaissance du label ERATO (WARNER CLASSICS) avec un disque de pure virtuosité (parution prévue le 16 septembre) reprenant les airs écrits par Porpora pour le génial Farinelli. L'entreprise n'est certes pas nouvelle, mais Jaroussky (en dialogue avec Cecilia Bartoli pour deux duos) s'amuse à vocaliser aussi éperdument qu'un rossignol amoureux transi, dans des airs extraits de divers opéras du compositeur et pédagogue napolitain, soutenu avec efficacité par l'Orchestre Baroque de Venise, sous la direction d'Andrea Marcon. Dans cet album tout n'est que tempête, doux zéphyrs, ondes limpides, joies et tourments. Nouveau venu dans la galaxie des contre-ténors, l'Argentin Franco Fagioli fait revivre, pour le label NAÏVE, des airs de Cafaro, Hasse, Leo, Pergolesi, Sarro écrits pour Gaetano Caffarelli, cet autre élève de Porpora qui fût lui aussi un des très grands castrats de son époque. Invité à la Cour pour venir chanter devant Louis XV, Caffarelli est indigné par le peu d'intérêt que le roi prend pour son chant, ce qui lui vaut d'être immédiatement expulsé de France par la dauphine. On ne plaisante pas avec l'autorité...

Cecilia Bartoli poursuit sa "Mission" à la découverte du compositeur d'opéras Agostino Steffani (portrait ci-dessus) avec l'enregistrement, pour DECCA, de son très beau Stabat Mater, dirigé par Diego Fasolis, tout empli d'une réelle affliction, dans un style sévère prenant en compte le lyrisme italien, mais aussi les influences venues de France et d'Allemagne. Sept excellents solistes sur cet album et la découverte de la belle voix de basse de Salvo Vitale, chanteur sicilien en carrière dans toute l'Europe.

Anna Netrebko consacre elle aussi, pour DG (parution le 16 septembre), un album à Giuseppe Verdi avec l'Orchestre du Théâtre Regio de Turin, sous la direction de Gianandrea Noseda. La soprano russo-autrichienne réalise là un enregistrement de haute stature. Relevant le gant après Maria Callas et, surtout, Shirley Verrett, elle donne une parfaite incarnation de Lady Macbeth, dont elle chante le redoutable air d'entrée Vieni, t'affretta ! avec une rare pugnacité. Elle est aussi une splendide Elisabeth de Don Carlo (Tu che le vanità...) et une fragile Jeanne d'Arc dans le rare Giovanna D'Arco (O fatidica foresta).

Après un Don Giovanni très remarqué, le jeune chef canadien Yannick Nézet-Séguin signe, pour DG, un pétillant Cosi fan tutte dans une distribution internationale avec Miah Persson (Fiordiligi), Angela Brower (Dorabella), Adam Plachetka (Guglielmo), Rolando Villazon (Ferrando) et Alessandro Corbelli (Don Alfonso). C'est la suite du projet initié par Rolando Villazon à Baden-Baden qui verra à terme l'enregistrement en public de sept opéras de Mozart. Tout ici n'est que jeunesse, quiproquos et libertinage à peine troublés par une ombre mélancolique. Une nouvelle version de ce chef-d'?uvre cent fois enregistré qui ne manque pas d'atouts, mais dans laquelle on écoute surtout le chef et l'orchestre. Un comble pour un opéra, mais un plateau de stars ne donne pas forcément les résultats musicaux que l'on attend dans Mozart. Avec une surenchère expressive systématique et un style assez sommaire, Rolando Villazon n'est certainement pas le grand ténor mozartien de ce début de XXIème siècle...

Terminons cette brève évocation de quelques parutions lyriques par un autre Verdi (photo à la fin de sa vie ci-dessus), celui de la musique religieuse, avec ce nouvel enregistrement, pour DECCA, du Requiem sous la direction inspirée et spectaculaire de Daniel Barenboïm avec des solistes de classe (Jonas Kaufmann, René Pape...). Le Choeur et l'Orchestre de la Scala de Milan chauffés à blanc par le Maestro argentin aux quatre passeports, donnent à ce Requiem une vision dantesque qui fait la synthèse entre l'église et l'opéra. Je garde pour la fin le bel enregistrement qu'Antonio Pappano propose, pour WARNER CLASSICS, des Quatre Pièces Sacrées du même Verdi, avec le Choeur et l'Orchestre de l'Académie Sainte-Cécile de Rome dont il est le directeur musical. Le vieux compositeur prend la plume une dernière fois, comme pour entrouvrir la porte du ciel avec ces oeuvres spirituelles empreintes d'une sobre pureté qui va à l'essentiel.

Classique : François Hudry 02/09/2013 par qobuz.com