Acteur majeur de la scène musicale de New Orleans, l'ingénieur du son et directeur de studio d’enregistrement Cosimo Matassa s’est éteint à l’âge de 88 ans.

Cosimo Matassa est décédé le 11 septembre 2014. Inconnu du grand public, il était un des acteurs clefs de la scène musicale de New Orleans depuis plusieurs décennies. Propriétaire de studios et ingénieur du son de renom ayant joué un rôle crucial dans le développement du rhythm’n’blues, du rock’n’roll et de la soul des années 50 et 60, il a participé à des enregistrements de musiciens aussi mythiques que Fats Domino, Little Richard, Irma Thomas, Professor Longhair, Lee Dorsey, Lloyd Price, Aaron Neville ou bien encore Dr. John. Matassa fera principâlement équipe avec deux des plus grands producteurs de la région : Dave Bartholomew et Allen Toussaint. Apprenant sa disparition, ce dernier a confié que Cosimo Matassa « était la porte d’entrée et la fenêtre sur le monde pour n’importe quel musicien de New Orleans. C’était un expert avec beaucoup de cœur et d’âme. Lorsque les Beatles ont entendu Fats Domino, ils l’ont entendu grâce à Cosimo Matassa ! Il a touché le monde entier. »

Après des études de chimie qu’il interrompt rapidement, Matassa qui voit le jour le 13 avril 1926 ouvre son premier studio, en 1945 : J&M Recording, derrière le magasin de ses parents, à l’angle de North Rampart et Dumaine dans le French Quarter de New Orleans. Pour beaucoup, J&M sera pour New Orleans l’équivalent des studios Sun pour Memphis.

En 1947, c’est à J&M que le chanteur Roy Brown enregistre son révolutionnaire Good Rockin' Tonight. C’est là encore que deux ans plus tard, un jeune pianiste de rhythm’n’blues inconnu âgé de seulement 21 ans du nom de Fats Domino croise le leader de jazz et aspirant producteur Dave Bartholomew. Le 10 décembre 1949, dans le très étroit local de J&M, Domino met en boite huit chansons dont son premier single, The Fat Man, sous les yeux de Bartholomew et Matassa. Fats Domino enregistrera la plupart de ses classiques dans la tanière de Matassa. Le lieu avance un peu plus dans le grand livre d’or de la légende du rock’n’roll : un Jerry Lee Lewis de seulement 16 ans prend le bus de chez lui jusqu’à New Orleans pour enregistrer sa première démo à J&M. Toujours plus loin, toujours plus fort : Little Richard enregistre là son classique Tutti Frutti ! D’autres faits d’arme ? Professor Longhair a enregistré à J&M ses tubesques Tipitina et Mardi Gras In New Orleans. Ray Charles, Bobby Charles, Big Joe Turner, Aaron Neville et bien d’autres feront de même. Lorsque son studio n’accueillait personne, Cosimo Matassa permettait au tout jeune Allen Toussaint de jouer sur le grand piano de J&M. En 1955, il déplacera son studio sur Gov. Nicholls Street. Là, Toussaint produira d’autres grands classiques de la musique locale comme Mother-in-Law d’Ernie K-Doe et la plupart des albums d’Irma Thomas pour Minit Records. Allen Toussaint y enregistrera également son album Wild Sounds Of New Orleans.

Tous les clients chérissaient le propriétaire du studio. A la pointe de la technique et proposant des tarifs attractifs pour les jeunes musiciens, Cosimo Matassa était aimé de tous. « Il ne vous faisait jamais sentir qu’il savait tout, racontera Irma Thomas à son sujet. Il était toujours ouvert pour essayer de nouvelles choses. C’était si facile de travailler avec lui, il vous mettait à l’aise. Et pour quelqu’un qui ne savait pas jouer d’un instrument, il prêtait une oreille attentive. Il savait toujours quand ça ne sonnait pas bien. »

Lorsque Cosimo Matassa déménagera son studio sur Camp Street, Allen Toussaint le suivra, enregistrant Freedom For The Stallion et d’autres tubes de Lee Dorsey. Quand Matassa le fermera et se retirera du milieu de l’enregistrement, Toussaint et son partenaire Marshall Sehorn construiront leur propre studio, le Sea-Saint Studio, à Gentilly. « Si Cosimo n’avait pas fermé son studio, nous n’aurions jamais construit Sea-Saint, raconte Toussaint. On l’aurait suivi dans n’importe quel autre studio. Nous étions satisfaits et très heureux avec lui. »

« Ce sont tous ces grands musiciens qui ont fait ma réputation, déclarera Cosimo Matassa en 2012. Je n’aurai pas pu faire tous ses disques si tous ces types assis en face de moi ne les avaient pas faits ! Le principal et premier crédit doit leur revenir à eux ! Moi j’ai simplement fait en sorte qu’ils sonnent bien. » La musique de côté, Matassa travaillera au Matassa's Market, la grande épicerie tenue dans le French Quarter par deux de ses fils. En 2012, il était entré au Rock’n’Roll Hall of Fame.

Cosimo Matassa and Earl Palmer - Black History Month 2004 - J&M Studios (Feb 2004)

Rock & Roll Hall of Fame

Cosimo Matassa and Earl Palmer Black History Month 2004 Fats Domino and Dave Bartholomew Feb 2004

Rock & Roll Hall of Fame

Cosimo Matassa Interview

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