La violoniste, enfant prodige, jette sur ses origines musicales un beau regard, intense et franc dans son nouvel album consacré aux Sonates pour violon seul d’Eugène Ysaÿe.

Débutant sa formation à l’âge de 4 ans, Hilary Hahn a suivi pendant sept ans l’enseignement de Jascha Brodsky, dernier élève vivant d’Ysaÿe, au Curtis Institute of Music de Philadelphie. Celle qui joue sous la baguette de Lorin Maazel à 15 ans, foule les marches du Carnegie Hall à 16, et enregistre son premier album à 17, saute allègrement de répertoire en répertoire, aussi à l’aise dans un concerto de Bach que dans les sonates de Charles Ives. Vous avez dit enfant prodige ?

Pour le mélomane avide de nouvelles découvertes, Hilary Hahn est une ressource inépuisable. On connaît sa longue collaboration avec Deutsche Grammophon, forte d’une vingtaine d’albums. Citons aussi de très belles références chez Decca comme les Sonates et Partitas de Bach, ou du contemporain Antón García Abril. Elle n’hésite pas non plus à sauter la barrière des genres musicaux, en témoigne l’album Silfra, enregistré avec le pianiste ambient Hauschka. Bref, Hilary Hahn est partout, sur tous les fronts. Et le pire, c’est-à-dire le meilleur, c’est qu’elle excelle en tout. On sera donc ravis, et plus qu’intéressés, de la voir ici rendre hommage à sa lignée musicale.

L’idée des Six Sonates pour violon seul Op.27 est venue à Eugène Ysaÿe en 1923 après avoir assisté à un récital du violoniste hongrois Joseph Szigeti, alors âgé de 30 ans, dans lequel il interpréta les Sonates et Partitas de Bach. Le cycle d’Ysaÿe fut complété en juillet 1923 et publié l’année suivante. Ces œuvres puisent dans l’héritage de Bach tout en jetant une passerelle avec les formes de compositions nouvelles du début du XXe siècle, dans un souci de traduire les évolutions techniques et stylistiques de la littérature violonistique des 200 années précédentes.

Un siècle plus tard, Hilary Hahn, actuellement l’une des plus brillantes violonistes au monde, s’empare de ces sonates et nous en livre un enregistrement impeccable, voué à demeurer une référence. Le choix est fait ici de souligner les chromatismes des dissonances, avec un appui particulier sur les secondes mineures. L’ambitus large de ces partitions exige une plasticité de jeu et une dextérité dont Hahn ne manque pas, le flot musical se déroulant dans un continuum d’une limpidité déconcertante. Fidèle à l’esprit du compositeur, mais tout en y imprimant sa propre personnalité, la violoniste modèle les différents plans sonores avec des pianissimo plus doux qu’une caresse. Un joyau sonore, magnifié par la prise de son impeccable des producteurs de Deutsche Grammophon.

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