Concevoir un convertisseur numérique analogique sans utiliser de puce spécialisée dans cette tâche tout en restant dans le domaine numérique d'un bout à l'autre de la chaîne précédant la reconstruction du signal analogique, oui c'est possible et NAD l'a fait avec le M51 de la Masters Series. Mais c'est toute une histoire !

Dans leur quête de performances extrêmes, les fabricants adoptent parfois, surtout dans le domaine du numérique, des solutions qui relèvent de savants calculs où la musique se résument à des bits que l'on manipule pour obtenir généralement des résultats chiffrés flatteurs, mais pas toujours avec des résultats musicaux heureux.

De même pour l'amplification numérique, domaine dans lequel la plupart des constructeurs doivent se fournir en puces spécialisées développées par quelques autres fabricants (qui les utilisent également souvent pour leur propres appareils), mais dont les prestations, en particulier musicales, ne contentent pas forcément ces constructeurs susceptibles de les intégrer dans leurs réalisations.

C'est ainsi la marque NAD, dont les appareils ont toujours été conçus afin d'offrir une excellente musicalité, a patiemment attendu, avant de faire ses premiers pas dans l'amplification numérique, qu'un fabricant spécialisé sorte un circuit doté de performances musicales pouvant s'inscrire dans les gènes NAD.

Le fabricant choisi par NAD s'appelle Zetex et c'est en 2005 qu'une collaboration est entamée avec cette société anglaise qui cherchait elle-même un partenaire afin de faire sortir du laboratoire vers le marché ses travaux de développement sur un circuit d'amplification à découpage.

De cette collaboration est né il y a à peine cinq ans l'amplificateur numérique NAD Masters Series M2 Direct Digital Amplifier, un appareil offrant des performances chiffrées de très haut niveau et des qualités musicales dans la lignée des meilleurs appareils analogiques conçus par NAD.

Pour parvenir à un niveau de performances très élevé, notamment pour le rapport signal sur bruit, il parut nécessaire à NAD de supprimer toutes les étapes analogiques entre l'unité de stockage où seront lus les fichiers audio numérique et les étages de puissance de l'amplificateur, chaque étage analogique (convertisseur numérique analogique, préamplificateur et son réglage de volume...) étant susceptible d'apporter son bruit propre alors qu'un silence numérique se traduit par une absence totale de bruit en sortie d'un amplificateur numérique puisque les transistors de découpage sont tous bloqués.

Pour résumer, l'amplificateur NAD M2 a été conçu comme un convertisseur numérique analogique de puissance, d'où son appellation Direct Digital Amplifier, et ce grâce au circuit Zetex DDFA ZXCZM800, DDFA signifiant Direct Digital Feedback Amplifier ou amplificateur à contre réaction numérique directe, Zetex baptisant ce principe d'amplification Class Z?.

Pourquoi cette longue introduction sur l'amplificateur numérique NAD M2 alors que ce banc d'essai est censé être consacré au convertisseur numérique analogique M51 ?

Et bien, comme nous le disions, l'amplificateur NAD M2 a été conçu comme un convertisseur numérique analogique de puissance, et le M51 reprend pour ainsi dire une grande partie de la conception de cet amplificateur M2 où la partie découpage générant les signaux de puissance a disparu au profit d'un filtrage actif délivrant des signaux ligne à niveau variable, le M51 pouvant alors attaquer directement un bloc de puissance stéréo ou des enceintes actives, et ce sur sorties asymétriques comme sur sorties symétriques dont le niveau est réglable via la télécommande.

Présentation

D'une présentation sobre et discrète semblable, en plus épuré, aux autres éléments de la Masters Series, le NAD M51 ne manque pas d'élégance avec sa façade en aluminium massif de 15 mm d'épaisseur (!) et de faible hauteur dont les extrémités verticales s'estompent en une courbe douce et se montre très peu chargée avec simplement un bouton de mise en marche, un large afficheur et un sélecteur de source.

Appareil autonome, le M51 est disponible en finition silver afin de de marier avec les autres éléments de la série Masters du constructeur, ou tout autre équipement en finition silver, tandis qu'un modèle noir pourra être associé à un système performant de coloris identique.

Connectique

Le NAD M51 offre une connectique qui sort véritablement de l'ordinaire en ce qui concerne les entrées numériques avec en particulier deux entrées HDMI véhiculant nativement le bus I2S (en stéréo) et complétant des entrées (maintenant) traditionnelles, à savoir une entrée symétrique au standard AES/EBU, deux entrées S/PDIF (coaxiale et optique) et une entrée USB asynchrone pour relier un ordinateur.

On notera aussi la présence d'une prise USB A permettant de faire les mises à jour à partir du fichier ad hoc téléchargé sur une clef USB et d'une prise RS232 compatible avec les appareils d?AMX et de Crestron (deux spécialistes de la domotique). A la droite de cette prise RS232, se trouvent une sortie trigger pour commander la mise en marche d'un autre appareil et une entrée pour les signaux de télécommande en provenance d'un autre appareil NAD ou d'un récepteur de télécommande déporté.

Le M51 dispose d'une sortie HDMI qui permet de renvoyer l'image en provenance d'un lecteur de DVD ou de Blu ray vers un téléviseur tout en décodant le son (en LPCM stéréo Haute Définition s'il s'agit d'un Blu ray), celui-ci étant alors reproduit par la chaîne Hi-Fi.

Les signaux analogiques stéréo sont disponibles à niveau variable en mode asymétrique sur deux prises Cinch dorées d'excellente qualité et en mode symétrique sur deux prises XLR à contacts dorés.

Fabrication

Le châssis, en tôle d'acier pliée recouverte de peinture noire cuite au four, est réalisé en trois parties, une contre façade avant pliée en double U, un fond avec ses montants latéraux, et une face arrière pliée en U. L'ensemble présente une très bonne rigidité.

L'intérieur, d'une grande propreté, est occupé par un grand circuit regroupant toute l'électronique de traitement, une alimentation à découpage reliée par un connecteur avec des fils de bonne section pour véhiculer sans risque les courants vers le circuit principal.

Trois autres circuits, deux petits pour les touches de mise en marche et de sélection de source prennent place le long de la contre façade, tandis que le troisième, beaucoup plus grand et accueillant l'afficheur, est directement installé dans un évidemment usiné dans la façade en aluminium.

Entrées numériques, gestion

La photo ci-dessous permet de découvrir en détail les différentes entrées numériques.

En partant du haut à droite, on peut voir l'entrée AES/EBU ainsi que les entrées S/PDIF coaxiale et optique. Trois transformateurs d'adaptation et d'isolement prennent place juste dessous, deux d'entre eux étant affectés aux entrées AES/EBU et S/PDIF coaxiale, le troisième semblant n'être pas utilisé car aboutissant sur les pastilles d'un connecteur non câblé (il s'agit en fait d'une sortie S/PDIF non utilisée car on trouve dans le menu "output" de Foobar2000 une ligne "NAD Audio 2.0 Output SPDIF").

Vient ensuite l'interface USB qui est confiée à une puce Microchip SMSC3318, un processeur XMOS prenant la suite pour en extraire avec un très faible jitter les signaux I2S.

Les signaux en provenance des deux entrées HDMI, véhiculés nativement au format I2S, sont commutés par un émetteur récepteur HDMI Analog Devices ADV7623, reproduisant également l'entrée sélectionnée sur la sortie HDMI en direction d'un téléviseur.

La sélection entre les signaux provenant des différentes entrées numériques est faite au niveau d'une puce Asahi Kasei AKM4118 (partie inférieure droite de la photo) avant de poursuivre leur route au sein du M51.

Deux circuits de post -régulation sont placés à la sortie de l'alimentation à découpage. Il utilisent des régulateurs Texas Instruments TL1963 optimisés afin d'avoir un très faible bruit et une bonne réponse sur les demandes transitoires de courant. A droite se trouve l'alimentation destinée à l'afficheur de type VFD (Vacuum Fluorescent Display ou afficheur fluorescent à vide).

Circuit de conversion PCM-PWM

A aucun moment, au c?ur du M51, les signaux numériques ne subissent de conversion numérique analogique avant que ceux-ci soient confiés aux filtres analogiques de sortie.

Les signaux PCM (Pulse Code Modulation ou modulation d'impulsion codée), représentant un codage audio standard, sont en effet convertis par un puissant circuit Zetex DDFA ZXCZM800 en signaux PWM (Pulse Width Modulation) ou signaux à modulation de largeur d'impulsion, les signaux mêmes qui sont à la base de l'amplification à découpage (classe D encore appelée amplification numérique).

A l'intérieur de ce circuit, les signaux numériques en modulation d'impulsion codée sont transformés en signaux à modulation de largeur d'impulsion sur 35 bits à une fréquence de 108 MHz. Au final cela revient à obtenir un signal échantillonné sur 35 bits à 844 kHz offrant en particulier un rapport signal sur bruit exceptionnel.

Ensuite, contrairement à un amplificateur de puissance où ces signaux à modulation de largeur d'impulsion pilotent la commutation de transistors MOS suivis d'un filtrage passe-bas de puissance par un réseau self et condensateur avant d'être dirigés vers les hauts-parleurs, ces signaux subissent un filtrage passe-bas "actif" à base d'amplificateurs opérationnels, comme on le fait en sortie d'un convertisseur numérique analogique.

On aperçoit à gauche ce qui est très probablement l'alimentation de ce circuit Zetex, car sa consommation en courant doit être importante et le radiateur de cette alimentation chauffe bien !

Filtrage, symétrisation

Le filtrage actif des signaux modulation de largeur d'impulsion issus du circuit Zetex DDFA ZXCZM800 est assuré par des amplificateurs opérationnels Texas Instruments LME 49990 à bruit ultra faible et haute vitesse de balayage (slew rate).

Les composants passifs utilisés dans ce filtre sont de qualité audiophile au-dessus de tout soupçon (condensateurs au polystyrène ou Styroflex considérés comme les meilleurs dans cette application et résistances tubulaires miniatures à montage en surface dites "mini melf").

La symétrisation des signaux est ensuite confiée à des amplificateurs opérationnels à faible bruit Texas Instruments TL082 et leur commutation vers les soties se fait via des relais.

A noter que les signaux de la sortie asymétrique sont les mêmes que ceux de la partie positive de la sortie symétrique, les signaux négatifs de celle-ci étant également les mêmes en opposition de phase. Hormis un niveau double sur la sortie symétrique, il ne peut donc y avoir aucune autre différence entre les signaux symétriques et asymétriques.

Utilisation, écoute

Nous ne l'avons jamais caché, les résultats sonores consécutifs à la modification de la forme native des signaux numériques ne nous ont pas toujours convaincus, aussi avons nous encore débuté l'écoute du NAD M51 avec une certaine circonspection et en choisissant un album qui supporte assez mal tout mauvais traitement numérique : La Symphonie Pastorale de Beethoven dans l'interprétation de Bruno Weil à la tête de l'ensemble Tafelmusik jouant sur instruments anciens, un album que nous avons écouté des dizaines et des dizaines de fois.

Pour nous faire pardonner le test du lecteur réseau M50 sur lequel nous n'avions, à regret, et en provoquant quelques mécontentements parmi nos lecteurs, pu nous prononcer sur les résultats sonores puisque ce M50 ne dispose que de sorties numériques, nous avons cette fois utilisé celui-ci avec le M51, nous servant à la fois de la liaison S/PDIF coaxiale et de la liaison HDMI, mais il ne faut pas oublier que le son sera avant tout le fait du M51.

Il nous paraissait intéressant, au delà de la qualité sonore propre du convertisseur M51, et nous en parlions lors du "pseudo" banc d'essai du M50 (comme cela nous a été fait remarquer, et nous attendons donc que l'on nous explique ce qu'est un véritable banc d'essai) de pouvoir hiérarchiser les différents types de liaison entre une source et un convertisseur (USB, S/PDIF et HDMI), et ce dans des conditions rigoureusement identiques, et pour ce, nous avons également relié notre ordinateur en USB au M51.

Nous avons donc utilisé l'application Qobuz HiFi depuis notre ordinateur et depuis le M50 puisque celle-ci fait partie des applications intégrées à cet appareil. Les conditions étaient donc réunies pour tenter de hiérarchiser les trois types de liaison.

Mais commençons d'abord par ce qui concerne les résultats sonores, et il est clair, malgré le traitement numérique total et le changement de statut du signal (PCM en PWM), que nous n'avons pas remarqué de changement dans les timbres des instruments et, hormis une petite insistance lors des forte orchestraux, c'est du très bon avec de l'air entre les instruments, des détails, de la présence et une très bonne impression de cohérence.

Bref, rien à voir avec certaines conversions de taux d'échantillonnage que nous avons pu rencontrer, la manipulation sur les fichiers est très probante et transparente et la sensation de véracité demeure avec un Allegro ma non troppo initial de la Symphonie Pastorale où les sonorités typiques des cordes à l'ancienne caressent agréablement l'oreille jusque dans leur plus subtiles expressions où effectivement le M51 fait preuve d'une grande finesse grâce au traitement sur 35 bits qui fait "exploser" le rapport signal sur bruit.

De même, la superbe Fantaisie Ecossaise de Max Bruch (dans sa version Studio masters 24 bits à 96 kHz) par Kyung Wha Chung au Violin et le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Rudolf Kempe, révèle toutes ses beautés dans une restitution chatoyante avec un chant du violon de grande beauté et où les plus petites variations de dynamique sont parfaitement restituées.

De l?extraordinaire chanson La Japonaise interprété par Freddie Mercury et la diva Montserrat Caballé (Studio Masters 24 bits à 96 kHz), le M51 donne une interprétation pleine de majesté où l'espace sonore semble plus grand encore qu'à l'habitude et avec une extinction finale de la chanson que l'on a l'impression d'entendre pour la première fois.

Concernant la hiérarchie des liaisons, celle-ci, et cela n'est pas vraiment surprenant, respecte la logique, la liaison HDMI se plaçant en tête puisqu'elle transmet nativement les signaux I2S, suivie de très près par la liaison USB, la liaison multiplexée S/PDIF fermant la marche mais sans que l'on puisse parler de raclée car cela reste encore très bon.

On notera que, par rapport à la liaison S/PDIF, les liaisons HDMI et USB procurent une restitution légèrement mieux définie et qui bénéficie aussi d'une aération et d'une fluidité un peu meilleures.

En conclusion, c'est une belle prouesse technologique réalisée par NAD que ce convertisseur numérique analogique M51 sortant des sentiers technologiques battus avec en pièce maîtresse le circuit Zetex DDFA conçu pour l'amplification numérique. En effet, tout en repoussant les limites des performances mesurables en traitant numériquement les signaux de l'entrée jusqu'au seuil de la sortie, le NAD M51 ne leur porte aucun préjudice et offre une restitution sonore de haut niveau. Nous avons également apprécié la présence des deux entrées HDMI. Tout cela vaut bien un Qobuzissime !

Spécifications

Manuel d'utilisation (en français)

Site NAD

Site France Marketing (importateur NAD)

Contact

Documentation annexe

White paper amplificateur NAD M2 (en anglais)

Zetex Class Z? Direct Digital Feedback Amplifiers (en anglais)

Capacités de lecture

Si vous êtes constructeur, importateur, distributeur ou acteur dans le domaine de la reproduction sonore et que vous souhaitez nous contacter, faites-le uniquement à l'adresse suivante : newstech@qobuz.com