Qui dit Glyndebourne dit Mozart, car c’est bien dans ce légendaire festival, créé en 1934 dans les vertes collines du sud de l’Angleterre, que se déroulèrent de magnifiques représentations de ses opéras. Le premier directeur musical du Festival de Glyndebourne était Fritz Busch, fraîchement exilé de son Allemagne natale et considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs chef d’orchestre du XXe siècle. Retour sur les années Fritz Busch à Glyndebourne. Nous reproduisons ici, avec l'aimable autorisation de Warner Music le texte introductif d'André Tubeuf qui figure dans le livret du coffret Fritz Busch.

« Ils n’avaient emporté qu’une poignée de la terre natale et du grain de là-bas. En terre d’exil ils replantèrent… » Ce pourrait être une histoire de Bible. Mais la Bible, avec Bach, c’était le plus solide, le plus essentiel de l’enracinement des Busch, de leur patrimoine. Cela du moins on peut l’emporter avec soi : ce qu’on a lu et qu’on sait par cœur, l’esprit aussi (ne disons rien du courage : dans de telles aventures, lui va de soi). L’autre Adolf, qui en ce début d’années 30 venait à incarner une Allemagne prétendument nouvelle, se doutait-il que ce que les deux proscrits volontaires, les frères Fritz et Adolf Busch, emportaient à la semelle de leurs souliers, c’était bien mieux qu‘un peu de sol allemand ? C’était l’esprit même qui avait fait, séculairement, que l’Allemagne soit l’Allemagne. Où ils allaient poser le pied, allait refleurir le meilleur de la vraie Allemagne, l’éternelle. Celle de la musique. Les Busch furent ces exilés, Glyndebourne cette terre promise. Et Mozart fut l’arbre qui, aussitôt, reverdit. 

Les frères partagèrent le plus possible ; mais il y avait des différences. À Adolf pour exister, et s’imposer, son violon suffisait ; plus, à la rigueur, Serkin au piano, proscrit, lui, comme Juif, et par solidarité avec qui Busch choisissait l’exil. À Fritz il fallait bien plus : un orchestre constitué, un de premier ordre ; et de longs temps de travail ensemble. Il allait en trouver un à Rio de Janeiro. En Europe seul le Danemark lui restait ouvert. Depuis des années déjà l’Angleterre avait été pour Adolf terre d’accueil, de toutes la plus généreusement ouverte. La « society » et ses mécènes faisaient fête au Quatuor, aux séances de sonates avec Serkin. Une invitation menant à une autre, ils poussèrent jusqu’à Eastbourne et Adolf, déjà désireux de se doter d’un Orchestre de chambre à lui, rêvait de concerts dans ce Sussex si accueillant. Il entendit parler de John Christie, gentleman lettré, avec manoir (et théâtre dans le manoir), désireux de se donner l’opéra à domicile : mais il avait plutôt dans l’idée Parsifal sur ses pelouses. Quand plus réalistement il eut envie d’un Don Giovanni où sa femme, soprano et soubrette, était une Zerline possible, Adolf (qui venait de le charmer avec Mozart et Bach) n’hésita pas. Il lui suggéra Fritz (que les Christie avaient applaudi à Dresde) comme guide et directeur musical idéal. Il allait plus loin. Lui-même s’offrait comme konzertmeister pour les opéras ; et les membres de son Quatuor seraient chefs de pupitre. La campagne anglaise d’un coup prit des couleurs d’idéal et d’idylle. 

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