La nouvelle génération d’artistes électroniques a lancé un nouveau cycle dans lequel se percutent et s’hybrident les musiques des années 90 et 2000, trance, trip hop, acid house, dubstep… Voici 10 artistes sur lesquels on peut compter pour mélanger les genres en 2024.

Beatrice M.

2024 sera-t-elle l’année du retour en grâce du dubstep ? On a envie d’y croire quand on écoute les productions de Beatrice M, qui s’est lancée depuis quelques années dans l’exploration du genre né en Angleterre il y a une vingtaine d’années, et aujourd’hui retombé dans un relatif underground. Rien de plus logique pour cette artiste née en France de parents anglais ; elle produit un dubstep sous pression, qui n’hésite pas à dépasser la vitesse règlementaire des 140 BPM et à prendre des tournures tribales. On entend tout ça sur Quarrels et Meld, ses deux maxis sortis en 2023, dont le dernier sur l’excellent label toulousain Egregore Collective, qui s’est positionné sur le créneau du dubstep/bass music en France depuis quelques années déjà. Résidente sur différentes webradios, cofondatrice du collectif Bienvenue au Club, qui explore les musiques de danse en tous genres, elle est aussi la moitié de Beatrice Melissa, un duo de chanson électronique. Beatrice M fera ses débuts aux Nuits sonores de Lyon en 2024, toujours avec ses sets 100 % vinyles. Et deux autres maxis sont aussi au programme cette année !

Esteban Desigual

Avec son masque à la Jim Carrey dans The Mask (mais en version bleue), impossible de le rater derrière les platines des clubs de l’Hexagone, qu’il écume depuis son arrivée sur Terre en 2021. Né sur Krypton selon sa biographie officielle, Esteban Desigual est en haut de la vague trance qui submerge la planète électronique depuis la sortie du Covid. Résident de la soirée La Darude, qui a remis au goût du jour en France les sons eurodance/trance, Esteban Desigual est d’abord un producteur, ce qui lui permet d’épicer ses DJ sets déjà musclés de ses propres remix et edits, comme celui très populaire de Shania Twain. Ses productions remettent en jeu les styles des années 90, une période qu’il a visiblement bien étudiée, entre freeform hardcore, psytrance ou acid. Son dernier EP Vaisseau Magique, sorti en décembre, met toutes ces influences à nu, tout en racontant l’histoire de sa naissance dans une rave (sur Krypton donc) sur fond de disco galactique (l’irrésistible How I Met Your Mother). A voir dans toutes les big rooms de France et d’Europe cette année.

Tatyana Jane

Adoubée par la noblesse du DJing francais et international au festival We Love Green en 2023 lors d’un set épique avec Pedro Winter, Skrillex et la team Ed Banger, la productrice Tatyana Jane a démarré 2024 en trombe avec un nouveau mix en compagnie de la superstar de la musique électronique américaine, cette fois au Berghain/Panorama Bar, le club berlinois réservé à l’élite de la techno. Encore inconnue il y a deux ans, le DJ et productrice franco-camerounaise a fait un bond de géant depuis ses débuts sur la webradio électronique parisien Rinse France en 2020. Après un premier titre en 2022 Modulation, qui montrait son penchant pour les sons bass music et le breakbeat et sa volonté de l’hybrider, elle met les pieds dans les plats et expose ses audaces soniques sur l’épileptique PSAUME92 chez Lobster Theremin. A l’automne 2023, elle sortait son premier EP Clavaria Formosa chez Boucan Records le label parisien mené par Bamao Yendé. Un disque tout en souplesse qui percute basses sombres, polyrythmie, amapiano et une vibe de transe tribale – en référence aux danses mystiques de son enfance au Cameroun, où elle baignait dans la makossa, le style local. Un métissage qui devrait encore plus prendre la lumière en 2024.

Olympe4000

Arrivée dans le circuit du clubbing parisien depuis trois ans, Olympe4000 a vite pris ses aises, d’abord en tant que résidente du club de Bastille le Badaboum, un tremplin qui lui a permis de jouer sur tous les dancefloors qui comptent en France. Mixant sans complexes techno, acid, trance ou bass music, elle a sorti un premier EP de rave en 2023, e-goatrip6ter, remplis de beats qui tapent fort et qui reflète bien son éclectisme. Le disque est sorti sur son propre label lancé au même moment, Adrenaline Quality, une plateforme inclusive dédiée aux artistes émergents. C’est dans ce même esprit qu’elle prépare pour mars 2024 une compilation avec Beats By Girlz, une association qui donne des formations en MAO gratuites à des personnes issues de minorité de genres. Olympe4000 sortira également cette année deux autres EP en collaboration avec d’autres artistes, et on la retrouvera régulièrement aux platines de la Machine du Moulin Rouge à Paris, dont elle a intégré le dispositif d’accompagnement d’artistes, la Préchauffe.

1Morning

La techno américaine a trouvé sa nouvelle coqueluche. Basé à Los Angeles, 1morning a exposé ses talents de DJ (surtout en vinyles) dans toutes les grandes villes du pays, tout en demeurant très actif sur le front de la production. Validé par le magazine spécialisé Mixmag qui l’a hissé en haut de son top des artistes à suivre, il a fait ses premières dates en Europe en 2023, et c’est clairement le genre de DJ que le public apprécie de notre côté de l’Atlantique. Digger habile aux platines, remixeur malin, il montre sur ses sorties un côté très instinctif et très séduisant. Tout est très direct et brut, le design sonore n’est pas sa priorité mais il a un talent rare pour faire voyager l’auditeur en très peu de temps comme sur son dernier titre Dilate, sorti en février, avec ce synthé deep house qui vient adoucir un kick brut. Il fait le même tour de magie sur Escape, extrait de son dernier EP en date, Modus Operandi, paru à l’automne, tandis que sur Clarity, sorti en 2021, il montrait son talent pour les attaques mordantes sur Visions, qui démarre avec ce clap quasi quantique, trouvant le juste milieu entre ghetto house et acid house sur un fil à 145 BPM. 1morning ne devrait pas prendre trop de temps pour s’imposer parmi les DJ les plus convoités.

RONI

A la tête de son label Nehza Records lancé il y a trois ans, la DJ et productrice française d’origine malaisienne RONI explore un vaste spectre électronique allant du breakbeat à la techno. Ses DJ sets sont truffés de trouvailles bass music, acid ou jungle, et elle a l’oreille pour repérer les artistes qui partagent l’état d’esprit du label, un hommage à la culture rave doublé d’un engagement pour l’environnement, comme on peut l’entendre sur les compilations Transnaturel (2022) et NEHZA XXIII (2023), sur laquelle on retrouve son titre Cosmos Turmoil, de la global bass with a twist. La dernière sortie du label, un EP partagé entre Pura Pura et Gipsyan, Nocto Vea, témoigne de la souplesse d’esprit de la direction artistique de RONI, résidente sur la webradio électronique Rinse France, qu’on retrouve dans les grands clubs de France ces trois dernières années. Ses projets pour 2024 ? Un single en mars sur Borne Fruits, le label de la productrice londonienne Amaliah, un autre pour les Berlinois de Radiance. Elle prépare aussi une compilation de global bass pour le mois de mai, une autre pour octobre accompagnée d’une tournée en Europe, et elle pourrait bien annoncer cette année la sortie de son premier EP !

Sunareht

Cofondateur d’un des labels les plus avant-gardistes de France, Paradoxe Club, qui propose ce qu’on pourrait décrire hâtivement comme la peinture abstraite de la musique électronique, Sunareht est monté en grade ces derniers mois avec sa signature sur Lucky Me Records, l’un des labels indépendants les plus importants de Grande-Bretagne avec Mount Kimbie ou Franz Ferdinand dans le roaster. Et c’est vrai que la musique de Sunareht a du potentiel dans la scène indé, et même au-delà de la sphère électronique, avec son côté hyperpop un peu trippé comme sur le morceau-titre de son EP Youth. Un disque sur lequel le producteur parisien, également capable de DJ sets très ancrés et référencés, démontre sa créativité et sa virtuosité (comme quand il superpose synthé 8-bits et percus à la darbouka avant de vriller tout ça dans un jungle beat sur Break Bandits), avec en tête de gondole Promises, en featuring avec Le Dom du Paradoxe Club, et sa boucle de synthé bien catchy. Un EP solide qui devrait lui ouvrir de nouvelles portes cette année.

Audrey Danza

En 2023, on l’a vue successivement au Positive Education de Saint-Etienne, puis aux Trans Musicales de Rennes, deux des festivals les plus défricheurs de France : c’est peu dire que la Suissesse Audrey Danza a la cote. Déjà, l’année précédente, elle avait secoué le festival de Dour avec un set fiévreux entre EBM et house progressive. Résidente du Motel Campo près de Genève, et du fameux Panorama Bar à Berlin, Audrey Danza passe la vitesse supérieure côté production ces derniers temps. Elle est à la tête du label Proxima 9000, né avec l’idée de rééditer des disques des années 1980-1990 et qui a évolué pour signer aussi des artistes contemporains. Une compilation Various Artists vient d’ailleurs de sortir au mois de février, sur laquelle Audrey Danza signe New Flow, un titre mystique sur un beat néo-trance avec une basse épaisse comme un mur porteur. Elle avait également sorti le single Neon Biosphere en janvier. Une forte activité sismique qui indique l’arrivée prochaine de son premier EP, prévu cette année !

Baraka

La crise du Covid aura eu des vertus créatives : c’est durant les confinements que, enfermés tous les deux dans un appartement de Vienne, sa+ga (DJ, chanteuse, poétesse, autrice) et Cristofeu (DJ et producteur) ont décidé de monter un duo, nommé Baraka pour leur porter chance. Et ça marche, puisque, après un premier single en 2021 (Half Faces), le projet a vite pris de l’ampleur avec la sortie en 2022 d’un quasi-album, un EP de 7 titres tout simplement intitulé Baraka. Un disque sur lequel le duo explore toutes ses lubies sans chercher à trop conceptualiser, et on sautille entre trip hop, acid house, trance et drum’n’bass (pour l’essentiel), avec comme fil rouge la voix à la Nick Cave d’Hawa Sarita dans une formule chant/production électronique (rappelant un peu l’époque où Madonna était produite par Mirwais) qui fonctionne à merveille. Pour simplifier, les deux Français disent qu’ils font « de la musique club avec une touche pop et de la musique pop avec une touche club ». Un EP à l’énergie communicative, avec en 2023 un live au club Panorama Bar à Berlin, tandis que 2024 démarre pied au plancher avec en janvier un mix musclé encore à Berlin pour Boiler Room, à l’invitation de Radiant Records, chez qui ils ont signé un titre l’an passé, et une tournée à l’autre bout du monde en Australie !

Kiimi

Après une poignée d’EP depuis 2021, qui lui ont notamment valu le soutien du chantre de la techno solaire irlandais Mano Le Tough ou du Canadien Jacques Greene, qui l’ont remixée, la Londonienne Kiimi a passé un cap en 2023 avec une série de titres très accrocheurs réunis dans l’EP Serotonin, paru à l’automne dernier. DJ, multi-instrumentiste (de formation classique) et également vocaliste, elle réunit toutes les qualités pour l’emporter dans cette catégorie très britannique de « la productrice électronique/chanteuse », avec en plus un côté engagé puisqu’elle a fondé Hunni Sound, une plateforme qui soutient les artistes femmes, non-binaires ou trans dans l’industrie de la musique. Son EP, dans lequel résonne le son de ses héros Burial, James Blake et Jamie XX, encapsule les tendances de la dernière décennie de musique électronique en Angleterre et ailleurs, UK garage, dubstep, drum’n’bass, future pop mais aussi amapiano (sur Earth), avec cette touche personnelle, intime plutôt, qui donne à sa musique un charme immédiat. Déjà entrée dans les habitudes de playlist des radios de la BBC, un pied dans le circuit d’Ibiza, nul doute qu’on va beaucoup entendre parler de Kiimi en 2024.