Cette semaine, le Philharmonique de Berlin achève sa tournée asiatique avec quelques concerts au Japon. Puis c'est retour au bercail, un peu de repos et c'est reparti. Entre temps, faisons un petit tour dans les archives - disponibles sans restriction, 24 heures sur 24, à tout abonné à la [Salle de concerts numérique->http://www.digitalconcerthall.com/tickets/?a=qobuz&c=true] pendant la durée de son abonnement. Peter Eötvös à l'honneur, en tant que chef et surtout au titre de compositeur.

Nul n'ira affirmer que Péter Eötvös est le plus grand chef d'orchestre au monde, à commencer par lui-même. Par contre, il est sans conteste l'un des plus grands compositeurs de notre époque, même s'il ne le dit jamais lui-même. Depuis les triomphes, en particulier en France, de ses derniers opéras - Lady Sarashina, Trois soeurs, Angels in America, tous trois créés dans l'Hexagone - il fait partie du panthéon des vrais grands, ceux qui écrivent de la musique plutôt que de la théoriser, de ceux qui touchent le cœur plutôt que de le transpercer de leurs dards fielleux néo-post-avant-gardistes, de ceux qui parlent à l'âme plutôt qu'à la radio.

Le 18 juin 2011, le compositeur était invité par le Philharmonique de Berlin à diriger la création de son Cello Concerto grosso, commandé par ce même orchestre. Au violoncelle, Miklos Perényi, mais peut-être devrait-on plutôt dire : aux violoncelles, huit solistes du Philharmonique de Berlin plus Miklos Perényi, car l'ouvrage fait la part belle à tout le pupitre de violoncelles - c'est là le "concertino" de cet ouvrage, plutôt que l'ensemble habituel de quelques cordes (ou d'une poignée de solistes divers) du format baroque que revêt le concerto grosso. En trente minutes de musique intense, envoûtante, Eôtvös réussit, encore une fois, à inventer des sonorités orchestrales vraiment inouïes, sans jamais chercher à bousculer ou à détruire le passé, ce qui n'empêche pas que c'est là un ouvrage d'une phénoménale modernité. Le compositeur ne renie ni la tonalité ni l'atonalité, l'on peut sentir poindre parfois quelques accents délibérément magyars, en particulier dans le dernier mouvement où le compositeur, dans la lignée d'un Bartók, laisse libre cours à un certain humour teinté de moments d'angoisse ; de véritables thèmes mélodiques d'une immense beauté alternent avec des s'quences plus bousculées quasiment "motoriques", sans que jamais l'auditeur n'ait le temps de se lasser.

"L'œuvre est un dialogue sur de multiples niveaux : le violoncelliste solo joue avec le pupitre des violoncelles d'orchestre, mais parfois aussi le soliste et le pupitre de violoncellistes entrent en dialogue avec tout l'orchestre. Le concerto garde la forme classique en trois mouvements, qui pourraient chacun se définir comme énergique et dansant, méditatif, frais et pétillant. La musique emprunte à des techniques instrumentales du folklore transsylvanien, tels que les "pizzicatos Bartók" avec leur sonorité percussive claquante", écrit le compositeur dont on voit bien qu'il ne fatigue personne avec de creux dogmes, des circonvolutions verbales tordues ou des bablas auto-encenseurs ; il se borne à décrire, en toute simplicité, ce qu'il a fait. Une deuxième écoute, voire une troisième, permettront de découvrir toutes les beautés de ce véritable chef-d'œuvre. Et ça tombe bien, puisque votre abonnement à la Salle de concerts numérique vous permet d'écouter tout ce que vous voulez des quelque 222 concerts archivés autant de fois que vous le voulez, 24 heures sur 24.

En première et dernière partie de programme, Eötvös a choisi Moussorgsky : la version Rimsky-Korsakov de la Nuit sur le Mont Chauve, puis la version Moussorgsky originale de la "Scène du couronnement" suivie de la "Mort de Boris" de Boris Godounov . C'est très beau et tout à fait parfait, avec un Ferrucio Furlanetto profondément émouvant.

La saison complète 2013-2014 du Philharmonique de Berlin, sujette à d'éventuelles petites modifications dont nous vous tiendrons informés au jour le jour

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