Le 31 janvier, Maxime Pascal dirigera un ensemble issu de l’O.N.L de Lille dans un programme 100% découverte. Omer Corlaix vous présente en 5 questions celui qui, à peine sortis du conservatoire, a fondé l'ensemble Le Balcon, collectif musical à géométrie variable qui cherche à abolir les frontières entre musique contemporaine, répertoire classique et musiques actuelles.

L'ensemble Le Balcon en concert :

Carte blanche à Maxime Pascal

Vendredi 31 Janvier - 20.00 / Lille, Nouveau Siècle

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(Omer Corlaix ) Quel est votre cursus musical, et à quel moment est apparue la direction musicale ?

— (Maxime Pascal) J'ai grandi à Carcassonne dans une famille de musiciens (mon père est tromboniste et ma mère pianiste), j'y ai débuté le piano puis le violon. J'ai fait des études musicales à Tarbes et à Bayonne puis j'ai été reçu en 2005 au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. J'y ai étudié l'écriture, l'orchestration, l'analyse musicale et la direction d'orchestre. J'ai rencontré durant ces années là des personnalités de ma génération qui ont marqué mon développement comme le pianiste Alphonse Cemin et le compositeur Arthur Lavandier. J'y ai connu aussi toutes les personnes avec qui j'allais fonder Le Balcon et les professeurs qui ont eu une grande influence sur moi comme François-Xavier Roth et Michaël Lévinas. Après avoir créé l'orchestre Le Balcon j'ai eu la chance de recevoir les conseils de Pierre Boulez et de George Benjamin. J'ai commencé à la fin de mes études à donner beaucoup de concerts en France et à l'étranger avec Le Balcon. J'ai alors rencontré à Cologne Kathinka Pasveer et Suzanne Stephens qui m'ont beaucoup appris sur la musique de Karlheinz Stockhausen qui me passionne depuis toujours. C'est toujours très difficile pour un chef d'orchestre de dire à quel moment est apparue la direction musicale car on ne décide pas un beau matin de devenir chef d'orchestre. En revanche on prend conscience un jour de la nécessité d'aller dans cette voie et on se rend compte (comme pour les compositeurs je pense) que cette volonté a toujours été présente. C'est arrivé quand j'étais étudiant au conservatoire et c'est assez bien tombé finalement car je ne vois pas trop ce que j'aurais pu faire d'autre (je joue notamment assez mal du violon...).

Comment est né l’ensemble Le Balcon ?

— J'ai créé le Balcon en 2009 avec l'ingénieur du son Florent Derex, le pianiste et chef de chant Alphonse Cemin et les compositeurs Juan-Pablo Carreño, Pedro Garcia-Velasquez et Mathieu Costecalde. Nous nous sommes rencontrés au conservatoire et avions une utopie commune, former un orchestre sonorisé à géométrie variable pour jouer tous les répertoires et toute sorte de spectacles. Nous ont rejoints alors des instrumentistes, chanteurs, techniciens, scénographes... pour former ce qui ressemble aujourd'hui plus à une troupe qu'à un ensemble. Nous avons donné de nombreux spectacles à l'église Saint-Merry à Paris avec la musique de Stockhausen, Grisey, ainsi que de nombreux compositeurs de notre génération avant d'être invités à être en résidence au Théâtre de l'Athénée - Louis Jouvet où nous donnons aujourd'hui trois spectacles par an. Nous avons inauguré cette résidence l'année dernière avec l'opéra Ariane à Naxos de Richard Strauss mis en scène par Benjamin Lazar. Notre prochain rendez-vous sera l'opéra Le Balcon de Peter Eötvös d'après la pièce de Jean Genet qui a également donné son nom à notre ensemble. Nous avons la chance de nous produire dans de nombreux festivals en France et à l'étranger et de recevoir le soutien de la Fondation Singer-Polignac ainsi que de la Fondation Orange.

Vous avez fait partie en décembre des 3 finalistes du Concours des jeunes chefs d’orchestre de Salzbourg, comment cela s’est-il passé ?

— J'ai décidé cette année de participer au Concours de Salzbourg pour découvrir le monde des compétitions internationales. En fait j'observais les musiciens et chanteurs de mon orchestre Le Balcon participer régulièrement à des concours importants, ça m'a donné envie de faire comme eux. Je voulais aussi savoir comment ça se passe afin de pouvoir continuer à construire mon ensemble en ayant pleinement conscience de tous les aspects du métier des musiciens qui le compose. J'ai choisi ce concours car en plus d'être très réputé il offre à chaque finaliste un concert au Festival de Salzbourg, et ainsi d'être jugé dans les "vrais" conditions que sont celles du concert. Suite à une première sélection sur vidéo et recommandation, j'ai dirigé en demi-finale à Salzbourg la Kammersymphonie op.9 d'Arnold Schoenberg. J'ai alors été choisi pour diriger un concert au Festival de Salzbourg le 28 février prochain avec la Camerata Salzburg. J'ai hâte d'y être et je précise que si je gagne j'organiserai une fête géante à Paris en l'honneur de tous les musiciens avec lesquels je travaille et grâce auxquels je suis déjà arrivé jusque là.

Le 31 janvier, vous avez Carte Blanche au Nouveau Siècle de Lille. Comment allez-vous l'utiliser ?

— J'ai choisi un programme axé autour de la musique sonorisée. Nous allons donner tout d'abord le cycle de mélodies Mirages de Gabriel Fauré orchestré pour contre-ténor et ensemble sonorisé par le compositeur Arthur Lavandier. Les harmonies et le caractère très intime des mélodies de Fauré chantées par Rodrigo Ferreira se prêtent magnifiquement à être transportés dans le monde pop de la voix amplifiée et de la guitare électrique. Il y aura ensuite Shadows le concerto pour flûte et clarinette amplifiées de Peter Eötvös avec les solistes Claire Luquiens et Iris Zerdoud, là c'est la spatialisation des instruments qui est remarquable car la flûte est diffusé sur tout le côté gauche de la salle et la clarinette sur tout le côté droit à la manière d'une stéréo géante. Les instruments de l'orchestre sont placés à des endroits précis sur scène de manière à être associés à l'une ou l'autre des solistes et à devenir leur ombre acoustique. Enfin on pourra entendre le concerto pour violoncelle Moro de Venecia de Pedro Garcia-Velasquez interprété par Askar Ishangaliyev. Pedro est un compositeur colombien doué d'un esprit très imaginatif et poétique. Il a conçu grâce aux développement de la technologie binaurale (une technique récente qui permet de recréer une sphère sonore autour du public avec seulement deux sources de diffusion) un concerto dans lequel le soliste se promène dans une jungle spatiale figurée par l'orchestre et les sons électroniques. Son jeu déclenche au cours de la pièce les changements de décors et les évènements électroniques. Le violoncelliste est ainsi un personnage de théâtre évoluant dans un paysage musical comme celui du Don Quixote de Richard Strauss ou d'Harold en Italie d'Hector Berlioz. C'est Florent Derex et Augustin Muller les ingénieurs du son du Balcon qui assureront la projection sonore de ce concert. Je parlerai des pièces pendant le concert, j'ai hâte de dialoguer avec le public Lillois du Nouveau Siècle!

Comment définiriez-vous aujourd'hui le métier de chef d’orchestre ?

— Pour moi le chef c'est celui qui se tient entre le l'orchestre et le public et qui doit faire dialoguer les musiciens avec les auditeurs. Il doit être le garant d'une absence totale de frontières entre ces deux mondes. Il donne vie à une grande fête dans laquelle se mêlent indifféremment les compositeurs, les œuvres, les spectateurs, les instrumentistes, les artistes, les techniciens et tous ceux qui participent à l'existence de cet évènement. Le cœur du métier de chef d'orchestre est pour moi de faire danser les artistes avec le public.