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Gabriel Fauré

En y réfléchissant bien, Gabriel Fauré, né en 1845, est le contemporain de plusieurs compositeurs avec lesquels on ne penserait vraiment pas à le mettre en parallèle : Tchaikovsky (1840), Moussorgsky (1839) et même Bizet (1838 !). Qu'est-ce donc qui fait qu'on l'associe malgré tout au début du XXe siècle, plutôt qu'au XIXe dans lequel il a vécu les trois quarts de son existence ? Sa musique n'a rien de franchement révolutionnaire ; Fauré a moins « fait école » que « fait des compositeurs » parmi ses nombreux disciples. Mais en réalité, la grande majorité de sa production date d'après 1880, voire 1892, et l'écrasante majorité de ses grands chefs-d'oeuvre furent écrits entre 1900 et les années vingt. Avant les années 1880, il consacra la majeure partie de son temps à jouer de l'orgue à Saint-Sulpice puis à la Madeleine en remplacement de Saint-Saëns ; il donne des cours de piano et d'harmonie, ne composant qu'un peu au cours des vacances scolaires. En 1870, il participe à la Guerre franco-prussienne, puis - pas rancunier - il voyage en Allemagne où il rencontre Liszt et assiste à plusieurs représentations d'opéras de Wagner qu'il admire profondément. À la différence de quasiment tous ses contemporains, il ne sera jamais wagnérien pas plus qu'il ne sera non-wagnérien ou anti-wagnérien ; sa musique ne procède en rien de ce langage, mais n'en prend pas le contre-pied : c'est tout simplement une autre planète.



Ce n'est qu'à partir de 1890 que la fortune lui sourit : il est nommé Inspecteur des conservatoires de province, ce qui lui laisse tout loisir de se consacrer à la composition plutôt que d'enseigner à des amateurs casse-pieds. En 1896 il succède à Massenet au poste de professeur de composition du Conservatoire de Paris, avant d'en prendre la direction en 1905. Parmi ses élèves, citons Ravel, Enescu, Nadia Boulanger. Dès 1903 il est frappé d'une surdité toujours plus profonde, de sorte qu'il réduira considérablement sa production - c'est pourtant de cette époque que datent ses plus éclatants chefs-d'oeuvre - jusqu'à sa mort en 1924.



La musique de Fauré n'a, certes, jamais rien de révolutionnaire : son écriture reste rigoureusement classique et polyphonique, ses harmonies procèdent du langage classique, ses tournures mélodiques se situent dans l'héritage de ses prédécesseurs. Et pourtant, dès les premières notes de n'importe laquelle de ses partitions, on sait que cela ne peut être de lui. En effet, son architecture harmonique dévie constamment, accord après accord, enchaînement après enchaînement, dans une constante fuite en avant, une chaîne ininterrompue de surprises et de ruptures dont la structure dicte d'ailleurs le discours thématique. Un thème de Fauré n'existe que dans une harmonie précise, une harmonie de Fauré ne peut que donner un thème précis ; de là sans doute l'impossibilité de le copier, et encore moins d'en être l'épigone.



Bien qu'il ait vécu les révolutions apportées par Debussy et Stravinsky, Fauré n'en a jamais suivi les excès - ni les enseignements ni les modes - et ce d'autant moins qu'il n'entendit jamais ni Le Sacre du printemps, ni Pierrot Lunaire, se tenant en dehors de toute polémique du haut de son statut de vieux sage intemporel et quasi-hiératique - triste privilège de la surdité, entre autres.



Les mélodies représentent une grande partie de son oeuvre, des pièces de jeunesse telles que le délicieux Après un rêve de 1878 jusqu'aux cycles de l'ultime maturité que sont La Chanson d'Eve de 1905-1910 ou L'Horizon chimérique de sa toute fin de vie, des monuments de beauté, d'intimité et de déchirante douleur contenue. Peu d'orchestre, pas vraiment d'opéra (Pénélope et Prométhée, rarement donnés, sont des sortes d'oratorios mythologiques d'essence peu scénique). Par contre, on lui doit quelques extraordinaires oeuvres de musique de chambre, généralement de la grande maturité, dont les incontournables Quintettes avec piano dans la lignée de Schumann et de Brahms - mais du plus pur et du plus profond Fauré - et le plus merveilleux Trio avec piano qui soit.



Enfin, summum du summum, c'est sans doute le Requiem de 1890, qu'il écrivit sans aucune raison particulière : « Mon Requiem a été composé pour rien. pour le plaisir, si j'ose dire ! Il a été exécuté pour la première fois à la Madeleine, à l'occasion des obsèques d'un paroissien quelconque. » Le compositeur poursuit : « peut-être ai-je aussi, d'instinct, cherché à sortir du convenu, voilà si longtemps que j'accompagne à l'orgue des services d'enterrement ! J'en ai par-dessus la tête. J'ai voulu faire autre chose. » Le paroissien quelconque ne se doutait pas qu'il était expédié ad patres avec l'une des plus belles musiques religieuses qui soit, l'égal au moins du Requiem de Mozart, de Berlioz ou de Verdi. Quant à son aspect religieux, mortuaire ou même recueilli, Fauré ajoute : « mon Requiem, on a dit qu'il n'exprimait pas l'effroi de la mort, quelqu'un l'a appelé une berceuse de la mort. Mais c'est ainsi que je sens la mort : comme une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur d'au-delà, plutôt que comme un passage douloureux. » C'est aux accents de ce même Requiem qu'eurent lieu les funérailles du compositeur en 1924, précisément à la Madeleine où il avait lui-même tenu l'orgue pendant si longtemps.



MT © Qobuz 01/2013

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