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Cheikh Raymond

La musique arabo-andalouse est l’héritière des musiques savantes créées lorsque la péninsule ibérique était sous domination arabe entre 711 et 1492. Elle est organisée par Ziryab aux environ de 822, à Cordoue, en 24 noubas, suites ordonnées de compositions instrumentales et chantées, réduites aujourd’hui à 12. Elle est pratiquée par les communautés de confession juive comme musulmane et les orchestres réunissent souvent des membres de chacune d’entre elles. Après la chute de Grenade en 1492, Juifs et Arabes fuient l’Europe, avec dans leurs bagages cette musique qui va continuer de se développer au Maghreb et au Proche-Orient, en Irak ou en Egypte.

Comme à Tunis et à Tripoli, à Constantine, l’arabo-andalou est appelé malouf. Le style constantinois demeure fameux, en grande partie grâce à un musicien d’origine franco-juive, Raymond Raoul Leyris, né en 1912, qui, reconnu tel un maître, fut par la suite nommé Cheikh Raymond. La mère de Raymond Leyris était bretonne et chrétienne et son père était juif, mais lorsque ce dernier mourut, l’enfant fut abandonné. Il fut alors recueilli par une famille algérienne, juive et pauvre et grandit dans un esprit de discipline et d’humilité. Il apprend le oud et le répertoire auprès de Cheikh Abdelkrim Bestandji et de Cheikh Omar Chakleb et gagne sa vie comme peintre en bâtiment.

Mais son amour de la musique, son talent et son acharnement à apprendre font de lui un artiste chevronné, apprécié par ses maîtres et le public. Il fonde son propre orchestre, il impose des répétitions régulières à ses musiciens qui, à cette époque, n’y sont pas habitués. Mais la discipline porte ses fruits et l’orchestre de Cheikh Raymond devient populaire et très demandé. Il joue pour les mariages ou les soirées dans les foundouks, des cabarets où anisette et haschisch sont tolérés. Le répertoire se teinte des styles populaires tels le hawzi, qui découle du malouf, le léger zendali que dénigre Cheikh Raymond et lui préfère le poétique dzjel. Cheikh Raymond enregistre aussi régulièrement pour la radio puis la télévision, ce qui accroît sa popularité. Comme tout maître, il transmet son savoir à de jeunes musiciens. L’un d’entre eux, qui aurait dû lui succéder à la tête de son orchestre, se nomme Gaston Ghrenassia : il est le fils de son bras droit, le violoniste Sylvain Ghrenassia, et bientôt l’époux de Suzy, l’une des filles du maître. Plus tard en France, on le connaîtra sous le nom d’Enrico Macias.

A Constantine, juifs et musulmans ont longtemps marché main dans la main, mais, avec le temps, les crises et les manœuvres du colonisateur, les relations se sont tendues. En août 1934, un incident causé dans une mosquée par un zouave juif aviné dérape et se transforme en émeute qui se termine par le massacre de 28 innocents dans le quartier juif de la ville. Le climat de la Seconde Guerre mondiale, puis de la guerre d’Algérie n’arrange pas les choses. A cette époque, le populaire Cheikh Raymond semble respecté de tous, ses fans se comptent dans toutes les communautés, il inspire la joie, il respire la paix, mais il dérange les plus extrêmes. Le 22 juin 1961, au souk El Acer de Constantine, Raymond Raoul Leyris est assassiné d’une balle dans la nuque.

Ce meurtre d’un pacifiste aimé de tous déclenche un mouvement de panique qui entraîne le départ précipité de milliers de familles juives d’origine française installées en Algérie. Dans les bagages de ceux que l’on surnomme pieds-noirs, il y a cette musique qui se transforme en chansons francarabe en recyclant le houzi mais aussi le chaabi algérois. Parmi les musiciens venus d’Algérie, il y a Blond Blond, Reinette ou Maurice El Medioni, qui quittent Oran, Lili Boniche qui arrive d’Alger et le Constantinois Enrico Macias. Ce dernier essaye d’abord d’adapter le malouf en français, mais ça ne fonctionne pas et il se tourne, avec succès, vers la chanson française ensoleillée. Dans les années 2000, Enrico Macias se sent assez mûr pour revenir vers le répertoire de son maître, Cheikh Raymond, dont il défend la mémoire avec cœur et talent. © Benjamin Minimum/Qobuz

Discographie

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