Avec son nouvel album "Transmission", le violoncelliste aborde la tradition musicale juive en compagnie du chef Michael Sanderling à la tête de l’Orchestre Symphonique de Lucerne...

Fort de plusieurs années de collaboration fructueuse et complice avec l’Orchestre Symphonique de Lucerne, le chef allemand Michael Sanderling frappe très fort avec la sortie de Transmission, son premier disque en tant que nouveau directeur musical de la phalange suisse. Enregistré un an avant sa prise de poste en septembre 2021, le programme rassemble des compositions pour violoncelle et orchestre d’Ernest Bloch, Max Bruch, Erich Wolfgang Korngold et Maurice Ravel - ces œuvres écrites au tournant du XXe siècle ayant pour dénominateur commun un ancrage profond dans la tradition juive. Au violoncelle, le jeune Edgar Moreau est remarquable dans sa façon d’appréhender la restitution instrumentale de la cantillation hébraïque. Que ce soit dans la suite From Jewish Life ou dans Shelomo, rhapsodie hébraïque pour violoncelle et grand orchestre, toutes deux de Bloch, le soliste retranscrit à merveille l'esprit des traditionnels chantres juifs et le chromatisme de leurs mélodies.

Edgar Moreau plays Bloch: Schelomo "Rhapsodie hébraïque for Cello and Orchestra": I. Lento moderato

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Si le Concerto pour violoncelle de Korngold n’est pas directement lié, dans son écriture, à la tradition juive, la judéité du compositeur est en revanche un élément central de son parcours. Korngold fera en effet partie de ces nombreux artistes (et intellectuels) juifs ayant dû s’exiler aux États-Unis pour fuir le nazisme. Installé à Hollywood, il s’illustrera avec brio dans la composition de musique de films ; le Concerto pour violoncelle tient d’ailleurs un rôle central dans une scène clé de Jalousie (en anglais, Deception) d’Irving Rapper, avec Bette Davis (1946).

Edgar Moreau plays Ernest Bloch: From Jewish Life: II. Supplication

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Suite au succès triomphal de son Premier Concerto pour violon qui a malheureusement éclipsé le reste de son œuvre, Max Bruch a composé à la demande du violoncelliste Robert Hausmann, Kol Nidrei, longue pièce élégiaque, inspirée par la prière éponyme que les Juifs récitent la veille de Yom Kippour. Edgar Moreau en offre une interprétation bouleversante, au rubato maîtrisé, et à l’énergie parfaitement dosée.

Initialement écrites pour piano et voix, les deux Mélodies hébraïques de Ravel sont proposées ici dans leur orchestration faite par le compositeur lui-même en 1919. On est toujours subjugué par la façon dont Ravel a intégré la tradition liturgique juive à son univers musical – particulièrement dans L'Énigme éternelle où les dissonances provoquées entre la mélodie et l’orchestre entourent l’ensemble d’une aura de mystère enchanteur, en symbiose avec le titre.

En 2015, Qobuz rencontrait Moreau à l'occasion de la sortie de son deuxième album Giovincello, bel assemblage d’œuvres incontournables ou moins connues signées Haydn, Vivaldi, Boccherini, Carlo Graziani ou bien encore Platti :

Edgar Moreau : interview et session Qobuz

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