Avec "Chromesthesia", le trompettiste signe un album fascinant assez multidimensionnel de jazz moucheté d'électro et de beats hip hop.

Pas plus de quatre ! PPDQ. Le titre d’ouverture de Chromesthesia détaille d’entrée le contexte dans lequel Antoine Berjeaut a enregistré cet album : entre deux confinements, sous le joug des consignes sanitaires empêchant les rassemblements de plus de quatre personnes dans un espace clos. Bugle et trompette en mains, il est ici entouré des impeccables Enzo Carniel et Gauthier Toux aux claviers, Arnaud Dolmen à la batterie et Csaba Palotai à la guitare. Et de quelques guest goûtus : Samuel Laviso (percussions), Giani Caserotto (guitare), Guillaume Christophel (clarinette basse) et Joce Mienniel (flûte). Après Moving Cities en 2019 et son featuring 5 étoiles nommé Makaya McCraven, Chromesthesia place la barre un cran au-dessus. Un gros cran même. Dans la cohésion du quartet, dans l’architecture des compositions, dans le son enfanté par ces quatre-là surtout.

Antoine Berjeaut "Walk" en session TSFJAZZ !

TSF JAZZ

« J’aborde l’écriture et la production comme un geste musical éphémère, comme une calligraphie sonore que je cherche la plus fluide possible » explique ce souffleur à l’ample palette sonore. Palette baladée dans des textures multiples, qu’elles viennent du jazz pur comme de l’électro ou du hip-hop. L’ADN de Berjeaut a d’ailleurs toujours été hybride (voir son travail avec Mike Ladd sur Wasteland en 2014) comme beaucoup de ses congénères, adeptes d’un jazz qu’on qualifiera par fainéantise de pluriel… La force de Chromesthesia est d’afficher sa solide identité musicale et une cohésion totale, non de se limiter à un collage vain, plus poudre aux yeux que sincère. On écoute donc les dix thèmes de ce disque plutôt court (38 minutes) d’une traite. Le planant laisse place au cinématique avant d’appuyer un peu plus sur les beats puis de bifurquer vers des séquences plus spirituelles. Un bel instantané d’une certaine idée du jazz en 2022 en quelque sorte…

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