Avec "Melancholy Grace", le claveciniste signe un magnifique album consacré à la mélancolie avec des pièces signées Frescobaldi, Rossi, Sweelinck, Bull et Dowland...

L’Encre de la mélancolie (Jean Starobinski, Editions [du] Seuil) a traversé la philosophie européenne depuis Hippocrate. Elle a imprégné tous les arts à commencer par la célèbre gravure d’Albrecht Dürer datée de 1514. La richesse symbolique de la mélancolie a nimbé tout le siècle suivant, elle culminera en France à la fin du règne de Louis XIV lorsque le soleil couchant viendra obscurcir les ors de Versailles. Dévot plus que tout autre, le XVIIe siècle est traversé par la figure de la mélancolie, un sentiment à ne pas prendre dans un sens médical négatif, car il permettait souvent de dépasser sa tristesse en englobant toutes les expressions de la pensée et de l’art.

Si le claveciniste Jean Rondeau a fait de la mélancolie le thème de son nouvel album intitulé Melancholy Grace, c’est surtout pour exalter les sentiments intenses qu’il ressent en jouant ces musiques qu’il adore et qu’il désire faire partager à ses auditeurs. Les chromatismes torturés de Frescobaldi, Luigi Rossi, Sweelinck, John Bull ou John Dowland présentent une carte envoûtante des divers affects européens à une époque difficile où les guerres, la pauvreté et les épidémies sévissaient, nous renvoyant un miroir saisissant sur notre monde contemporain.

Jean Rondeau plays John Bull on original 16th-century virginal (Melancholy Pavan)

Warner Classics

L’art exquis de Rondeau sur Melancholy Grace est prolongé par le très beau texte qu’il signe pour accompagner son enregistrement et dont la conclusion résume toute sa démarche : « Serait-ce le rêve qui m’a mené à cet album ? », se demande-t-il. « Entendre par-dessus les siècles d’histoire(s) et d’habitudes la musique des compositeurs de la Renaissance tintinnabuler au cœur de la nuit, comme l’écho délicat d’étoiles depuis longtemps passées et qui nous éclairent encore ».

Jean Rondeau plays Frescobaldi: Toccata Settima

Warner Classics

En 2015, Jean Rondeau recevait Qobuz à l'occasion de la sortie de son premier album consacré à Bach, Imagine. Une rencontre pour en savoir plus sur son besoin d’éclectisme, son rapport à Bach justement et son militantisme pour l’endormissement en concert. Séance de rattrapage :

Jean Rondeau : interview vidéo Qobuz

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