Vaughan Williams: Symphonies Nos. 4 & 6

Chronique

Sir Antonio Pappano (né le 30 décembre 1959 à Epping, dans l'Essex) s’embarque dans l’un des univers les plus complexes et essentiels du patrimoine musical anglais, les symphonies de Ralph Vaughan Williams (1872-1958), à la tête d’une des formations les plus aguerries dans ce domaine, le London Symphony Orchestra, dont les deux intégrales Chandos, l’une avec Bryden Thomson – référence absolue – et l’autre avec Richard Hickox, demeurent des pierres angulaires de la discographie. Quel bonheur de voir Pappano se plonger dans cet univers, non pas avec la London Symphony ou la Cinquième, mais avec les deux plus ardues, soit les Symphonies No. 4 (1932-1934) et No. 6 (1947) qui couvrent donc la période de tensions liées à la Seconde Guerre mondiale. Austère et très sombre, la Quatrième, en fa mineur, présente une écriture très concentrée, dominée par une forme de tension et de majesté, qui, en dépit de passages plus clairs dans les textures, évoque par son caractère obstiné et noir la menace, très présente dans les années 1930, d’un conflit majeur. Sir Antonio Pappano en propose ici une interprétation très convaincante, virtuose (Scherzo) et pourtant implacable (superbe cataclysme du Finale con epilogo fugato. Allegro molto), qui rappelle par moments le geste de Paavo Berglund (Royal Philharmonic Orchestra - His Master's Voice, 1980).

Composée en 1947, l’extraordinaire Sixième Symphonie demeure l’une des partitions les plus riches du compositeur britannique, il y exprime toute la désolation devant les destructions et les souffrances qu’engrangea le conflit de 1939-1945. Son mouvement initial reprend une esthétique similaire à celle du mouvement final de l’œuvre d’avant-guerre, il y ajoute cependant un esprit sarcastique glaçant qui, d’emblée, inscrit l’œuvre dans une ambiguïté plus disruptive – esprit formidablement imagé dans la fausse valse rêvée par le compositeur au centre de son Allegro initial.

Cousine de la Musique pour cordes, percussion et célesta de Béla Bartók, avec qui elle partage de nombreuses atmosphères et une écriture de cordes cristalline, cette partition d’un seul tenant devient terrifiante dès le second mouvement (Moderato) qui ne peut cacher son amertume, et développe un climat très anxiogène et résigné. La résignation finira par triompher clairement dans l’Epilogue. Ici, Sir Antonio Pappano ne renouvelle pas tout à fait la réussite de sa 4e, à l’élan et l’éclat plus nets.

Tous les amoureux de Ralph Vaughan Williams ne pourront laisser passer cette nouvelle proposition, que l’on espère être l’amorce d’une nouvelle intégrale, que l’on suivra naturellement avec ardeur. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz