Profiles

Chronique

Si le batteur de Pink Floyd a regroupé, dans un coffret intitulé avec humour Unattended Luggage, les trois premiers albums qu'il a initiés, c'est qu'il voulait profiter de la tournée qu'il effectuait avec Saucerful Of Secret, mais aussi parce qu'il valait mieux que les deux productions qui ont suivi le remarquable Fictitious Sports lui soient associées d'une façon ou d'une autre. Sans aller jusqu'à dire que Profiles et White of the Eye ne méritent pas quelques écoutes, même Mason sera bien forcé d'admettre que ces deux albums, qui rassemblent essentiellement des compositions prévues pour des films, publicités ou autre, sont loin d'être prioritaires, mis en perspective avec l'ensemble de sa carrière. Lors de leurs sorties initiales, en 1985 et 1987, il a d'ailleurs insisté sur la collaboration étroite avec Rick Fenn, guitariste qui n'avait guère réussi à se faire un nom en rejoignant Eric Stewart, Graham Gouldman et Lol Creme au sein de 10cc.

Autant Fictitious Sports paraît intemporel, autant Profiles et White of the Eye sont complètement ancrés dans les années 80, avec tous ces gadgets électroniques qui sont rapidement devenus obsolètes, bien que Justice ou Carpenter Brut aient récemment réussi à les recycler avec talent. Comme il l'a prouvé sur scène avec sa tournée dédiée aux premières années de Pink Floyd, c'est avec une batterie acoustique à l'ancienne qu'il excelle et pas avec des boîtes à rythme et autres fûts électroniques. Nul doute que Mason et sa maison de disques ont pensé très fort à la performance que venait de réaliser l'ancien complice de Jeff Beck et John McLaughlin, Jan Hammer, et la musique composée pour la série Miami Vice qui venait de se classer n°1 aux États-Unis. Par moments, on frise même le plagiat. Au milieu de cette débauche de sons synthétiques désincarnés, de hard rock mollasson, d'ambient pour salons de massage et de guitares caricaturales, il reste néanmoins quelques moments à sauver, comme le chant de David Gilmour sur l'efficace Lie for a Lie, le saxophone toujours de bon ton de Mel Collins (Roger Waters, Camel, King Crimson, Eric Clapton, Dire Straits, 10cc…), la parfaite imitation de Saga avec l'ancien Heavy Metal Kids et UFO Danny Peyronel (Israel), mais aussi quelques rares moments où Fenn parvient à se rapprocher de la subtilité de Gilmour ou Beck (Rhoda ou White of the Eye, que l'on croirait extraits de The Endless River du Floyd, ou encore le bluesy Ann Mason…). Mais pour Black Ice, il aurait tout de même pu faire l'effort d'apprendre en entier le riff de Smoke on the Water… © Jean-Pierre Sabouret