OXYMORE

Chronique

De la “réalité virtuelle appliquée au son”, c’est le projet de l’insatiable Jean-Michel Jarre pour son 22e album chez Sony. Un disque conçu en audio spatialisé en 3D, qui procure des sensations inédites avec ces sons qui viennent de partout, mais surtout un disque où les crédits sont partagés avec Pierre Henry, le pionnier français de la musique concrète, connu pour le hit avant-gardiste Psyché Rock. Henry comme Jarre ont une histoire avec Pierre Schaeffer, le fondateur du GRM, le Groupe de recherches musicales de l’ORTF, le laboratoire sonique où ont été créées les premières expériences de musique électronique en France. Pierre Henry n’a jamais fait partie du GRM, faisant ses expériences en parallèle, mais il a beaucoup côtoyé Schaeffer dans les années 50. Et pour Jean-Michel Jarre, qui avait décroché un stage au GRM à la fin des 60’s, Schaeffer est tout simplement un héros, celui qui a inventé le sample, le sillon fermé, la boucle, le reverse, le pitch…

Une collaboration entre Jarre et Henry avait déjà été évoquée en 2015 en vue de l’album Electronica, mais la santé chancelante de Pierre Henry, décédé en 2017, n’avait pas permis de faire aboutir le projet. Néanmoins, Henry a légué une série de sons à Jean-Michel Jarre, qui en a tiré cet album Oxymore, véritable hommage au compositeur dont la voix résonne dès l’intro. Un album plutôt entraînant avec un Jarre qui a clairement décidé d’appuyer sur la pédale de kick comme sur ZEITGEIST ou BRUTALISM. La dimension musique concrète est évidemment très présente avec plein de petits bruits à la Pierre Henry qui tourbillonnent. La synthèse de ces deux pionniers de l’électronique, même si elle est forcément un peu déséquilibrée, est plutôt agréable, avec d’excellents points d’orgue comme le méta-disco SONIC LAND ou le trippé SYNTHY SISTERS, des titres sur lesquels on entend Jarre se faire plaisir comme rarement. © Smaël Bouaici/Qobuz