LongGone

Chronique

C’est en 1994 que le saxophoniste Joshua Redman, à peine âgé de 25 ans, a l’idée de réunir sous son leadership, au sein d’un quartet inédit, trois musiciens de sa génération dont le talent commençait alors à sérieusement faire parler dans le petit monde du jazz moderne (Brad Mehldau au piano, Christian McBride à la contrebasse et Brian Blade à la batterie). Le disque qu’ils enregistrent, MoodSwing, fait immédiatement l’effet d’une bombe et agit comme une sorte de catalyseur sur leurs carrières respectives, les propulsant chacun dans leur registre parmi les stars montantes de la jeune scène US.

Devenus les monstres sacrés que l’on sait, les quatre musiciens décident en 2020 de se retrouver pour enregistrer, vingt-six ans après, une sorte de continuation de ce geste matriciel. Dénué de toute forme de nostalgie et exempt de toute tentation revivaliste, RoundAgain surprend et séduit en reprenant moins les choses là où elles avaient été laissées un quart de siècle plus tôt qu’en proposant une sorte de nouveau départ, riche de toute l’expérience accumulée entre-temps par chacun des membres de l’orchestre. C’est dans le même esprit et animé du même type d’énergie que LongGone vient aujourd’hui poursuivre l’aventure.

A partir de compositions toutes signées par Redman, variées dans la forme et l'humeur, le quartet développe un univers ancré dans une esthétique jazz totalement assumée. Propulsé par une section rythmique confondante de fluidité organique et assurant un continuum pneumatique d’une grande richesse, Joshua Redman, particulièrement en verve, démontre tout du long l’étendue de sa palette stylistique (sonorité chaleureuse, volubilité et fluidité du phrasé, maîtrise constante des dynamiques orchestrales) tandis que Brad Mehldau, avec cette élégance de toucher inimitable, se fond avec délice dans le collectif, nourrissant de sa science harmonique et de son sens du swing une musique constamment accessible malgré sa grande sophistication. Réalisant une sorte de synthèse jamais artificielle entre tradition et modernité, LongGone offre un remarquable aperçu de ce que peut être le jazz dans sa forme la plus “pure” en ce début de XXIe siècle. © Stéphane Ollivier/Qobuz