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Ray Charles

Raconter l'histoire de Ray Charles, c'est raconter l'histoire d'un génie de la chanson touché, dès sa plus tendre enfance, par la grâce. Tel un alchimiste, toutes les mélodies empruntées ou créées par ce pianiste-chanteur-compositeur-arrangeur se transforment en or. On comprend les surnoms que lui donnera le showbiz américain, « The Genius » ou encore « The High Priest Of Soul », mais aucun ne dépassera celui que lui donnèrent ses amis musiciens : « Brother Ray », un sobriquet qui dit la force et l'intimité qui se dégage de sa voix nourrie aux sources du blues et du jazz. Pourtant, une petite place au soleil de la réussite aux côtés de ses frères qui, comme lui, au début des années cinquante, avaient contribué à populariser le « rhythm'n blues », lui aurait probablement suffi. Mais voilà, notre homme a eut le culot et l'audace de transposer l'énergie, la spiritualité, les extases et les transes du gospel et des negro-spirituals, jusque-là réservées aux seuls lieux de cultes, sur toutes les scènes du spectacle et du divertissement. Comme dans le gospel, il chante l'amour, mais pas l'amour de Dieu, plutôt celui du sexe, des femmes, de l'alcool, de la vie et de ses excès. Ainsi Ray Charles devient-il le premier chanteur de « soul music », ce style noir américain, unique et si fort, cette « musique de l'âme » qui mêle avec conviction blues, jazz et gospel, et qu'il mélangera ensuite avec la musique country, déclenchant de belles manifestations dans l'Amérique ségrégationniste de la fin des années cinquante et du début des années soixante.



Né le 23 septembre 1930 à Albanie (Géorgie), Ray Charles Robinson est élevé par sa mère à Greenville, une petite bourgade du nord de la Floride. Son père les ayant abandonnés, sa mère fait vivre sa famille de travaux ménagers qu'elle effectue dans le voisinage. Ray a un frère d'un an son cadet, George, qu'il verra se noyer sous ses yeux à l'âge de quatre ans. Car Ray n'est pas né aveugle, mais il le deviendra très vite, dès l'âge de sept ans, des suites d'un glaucome que la précarité familiale ne permettra pas de soigner.



Son amour de la musique, Ray le tient du piano et du juke-box qui trônent dans ce petit bar-tabac-épicerie, le Red Wing, point central de rassemblement de Greenville. Tenu par un certain Mr Pit, pianiste amateur féru de boogie-woogie, ce lieu sera décisif dans l'apprentissage et la formation du tout jeune Ray, complété, une fois par semaine, par l'office dominical baptiste. À sept ans, il intègre l'institution pour enfants non-voyants et malentendants de Saint-Augustine qu'il fréquente jusqu'à ses quinze ans, en 1945. C'est là qu'il approfondit sa connaissance de la musique et du piano, et chante au sein de la chorale de l'école. Côté influences, laissons la parole au maître : « J'adorais le jazz. Art Tatum était notre Dieu à nous les pianistes, mais j'admirais aussi Earl Hines et Teddy Wilson. Il y a eu cependant un type qui chantait et jouait du piano d'une manière qui a changé ma vie. Il est devenu mon idole, je veux parler de Nat King Cole. Il réunissait tout ce que j'adorais : le jazz improvisé, des belles mélodies, des rythmes solides, et une touche de blues. ».



À la mort de sa mère, en 1945, Ray Charles est profondément meurtri et décide de partir à Jacksonville, chez des amis de sa mère, afin de s'inscrire au syndicat des musiciens. Il commence à harceler les patrons de boîtes, vivotant de petits cachets. « Je n'ai jamais imaginé gagner ma vie autrement qu'avec la musique ». À l'occasion d'une tournée qui a mal... tourné, Ray Charles décide de rester à Orlando (Floride) pour l'année 1946, où il connaît les jours les plus sombres de son existence. Il imite Nat King Cole et Charles Brown, vend quelques arrangements de big bands. En 1947, il s'installe à Tampa (toujours en Floride). C'est là qu'il est engagé comme pianiste et chanteur dans un orchestre de « country & western » constitué de musiciens blancs, les Florida Playboys. « J'y jouais de la musique country en y mettant autant de coeur que n'importe quel mec du Sud. J'étais accepté et applaudi au même titre que les autres ». C'est à cette époque qu'il adopte les lunettes noires qui allaient définitivement faire partie de son look. Il rencontre Louise, sa première liaison amoureuse durable. Mais démangé par l'envie de «voir» du pays et de vivre de son art, il traverse les USA en 1948 pour Seattle au nord de la Californie. Il est rapidement embauché, en trio, et grave son tout premier disque pour un authentique label (Swing Time). Afin de se distinguer du nom du célèbre boxeur, Ray Sugar Robinson, il abrège son nom en Ray Charles. Il rencontre un trompettiste qui deviendra un ami fidèle, Quincy Jones, auquel il enseigne les rudiments de l'orchestration. C'est à cette époque qu'il découvre les drogues dures et devient vite accro à l'héroïne. Louise, sa compagne depuis deux ans déjà, retourne à Tampa chez ses parents.



Ray Charles ne roule pas sur l'or mais l'amitié et l'intérêt que lui porte Jack Lauderdale, le patron des disques Swing Time, lui permettent de tenir la tête hors de l'eau. Il grave une vingtaine de faces pour ce label jusqu'au jour où Jack Lauderdale lui propose de devenir le pianiste et directeur musical de l'orchestre du guitariste et chanteur de blues Lowell Fulson, alors très en vogue. Voilà qui va lui permettre, enfin, de voyager. À l'occasion, il grave quelques titres sous son nom jusqu'au jour où : « Je me suis dit que ce serait bien que les gens commence à me reconnaître moi, qu'ils me disent que je joue et chante comme Ray Charles ; j'ai donc essayé de prendre une voix différente. Assez curieusement, cette voix s'est trouvée être la mienne. Je n'avais vraiment rien d'autre à faire qu'être moi-même ». En 1952, il décide de gagner New York, rencontre les frères Ertegun qui le signent sur leur (encore) petit label Atlantic. La marche en avant vers la célébrité est enclenchée. En 1953, Ray Charles monte sa propre formation dont la composition restera stable pendant des années (2 trompettes, 2 saxes, une contrebasse, une batterie et lui-même, piano, voix et saxophone alto). Avec ce module, il fera danser d'est en ouest l'Amérique des fifties dont il écumera les bals du samedi soir jusqu'en 1959, année de la consécration où il se produira à guichets fermés au Carnegie Hall de New York.



De sa plume naissent des thèmes originaux particulièrement « catchy » et des orchestrations à la fois soignées et efficaces, écrins idéaux pour mettre en valeur une voix qui s'est enfin libérée et dont la force d'expression s'exprime désormais avec une incroyable émotion dans tous les registres. L'orchestre est au diapason, les solistes également parmi lesquels on distinguera les saxophonistes David Newman, Don Wilkerson, Hank Crawford. Une avalanche de chefs-d'oeuvre marquera cette période féconde qui se prolongera jusqu'au début des années soixante, où il gagnera le statut de vedette internationale.



Peu après l'enregistrement remarqué de l'album The Genius Of Ray Charles dans lequel on note la première apparition d'un big band complet et d'un orchestre à cordes dans certaines faces, Brother Ray quitte la maison Atlantic pour les plus huppés ABC Records (filiale de La Paramount). Chez ABC, l'objectif est clair : Ray Charles doit élargir son registre et devenir une des vedettes de la pop. Sa réputation maintenant bien établie, notre homme met sur pied un big band qui l'accompagnera dans tous ses déplacements et avec lequel il effectue une tournée triomphale en Europe. Pour ABC, il explore le registre country avec l'album Modern Sounds In Country And Modern Music. Sa carrière s'apparente désormais à celle d'une vedette internationale (séances d'enregistrement, concerts de gala, tournées internationales, émissions TV, etc.). En 1963, Ray Charles s'implique aux côtés de Martin Luther King dans la lutte pour les droits civils des noirs américains. La même année, il est élu chanteur N°1 au référendum de la revue Down Beat. En 1964, il rompt avec ABC pour créer sa propre maison de production. La même année, ses problèmes d'addiction à la drogue le mènent devant la justice et l'année suivante en cure de désintoxication.



En fait, même si sa voix conserve toute sa force expressive, même si les tubes qui ont à juste titre fait sa renommée sont toujours au programme de ses concerts, Brother Ray va inexorablement s'éloigner de la musique de ses débuts pour prendre les vents porteurs d'une certaine pop music comme en témoignent à quelques exceptions près, la quarantaine d'albums qui va suivre. L'homme de scène est toujours aussi irrésistible, ses tournées régulières dans le monde entier en témoignent mais l'étincelle créatrice qui l'habitait jusqu'à il y a peu semble s'être éteinte. Un certain nombre d'événements notables vont émailler cette période : en 1973, il participe au spectacle The Life And Time Of Ray Charles écrit et présenté par l'écrivain James Baldwin au Carnegie Hall ; en 1978 il publie son autobiographie (traduite en français), Le Blues dans la peau ; en 1979 sa chanson Georgia On My Mind est consacrée hymne officiel de l'Etat de Géorgie ; en 1980 il crève l'écran dans une scène d'anthologie du film The Blues Brothers de John Landis ; en 1985 il participe à l'enregistrement de la chanson caritative de Michael Jackson We Are The World ; en 1986 il est nommé officier des Arts et Lettres en France et entre au Rock'n Roll Hall Of Fame aux USA ; et au cours de toutes ces années, il aura reçu douze Grammy Awards.



Ray Charles meurt à 73 ans d'une maladie du foie, le 10 juin 2004, peu de temps avant la sortie du film Ray (réalisé par Taylor Hackford avec Jamie Foxx dans le rôle du chanteur) qui retrace avec talent et une fidélité sans compromission la vie et la carrière du musicien.



© Qobuz (06/2013)

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