Eh oui, Hindemith a écrit pour le ballet ! En l'occurrence Nobilissima visione, d'après les fresques de Giotto dépeignant la vie de saint François d'Assise, conçu avec et pour Léonide Massine en 1938. Il en a tiré une suite, que nous donne ici Herbert Blomstedt avec les Berlinois - à retrouver dans les [archives de la Salle de concerts numérique->http://www.digitalconcerthall.com/en/concerts/?a=qobuz&c=true]

Voili voilou, la saison berlinoise 2013-2014 du Philharmonique de Berlin est terminée ; certes, l'Orchestre fera une tournée en Europe pendant quelques semaines - sous la direction non pas de Simon Rattle, fraîchement papa et qui a décidé de biberonner ; mais sous la direction de Gustavo Dudamel, qui remplace beaucoup au Philharmonique de Berlin ces derniers temps... d'aucune pensent même que... allez savoir... - mais les concerts retransmis en direct de la salle de la Philharmonie ne reprendront que le 30 août 2014, lancement de la prochaine saison. Pendant l'été nous fouillerons donc pour vous dans les riches archives de la Salle de concerts numérique, en particulier les concerts archivés avant que ne soit conclu à la rentrée 2012 le partenariat entre Qobuz et la Salle de concerts numérique - depuis lequel, naturellement, chaque concert est dûment présenté et commenté par votre aimable papoteur Berlingot.

Le six mars 2011, Herbert Blomstedt dirigeait le Philharmonique de Berlin dans un programme assez peu classique : la Troisième messe de Bruckner et, tout aussi rare (hélas), la Suite du ballet de Hindemith Nobilissima Visione. De quelle nobilissime vision, me demanderez-vous fort justement, s'agit-il donc là ? Sans doute de celle que fit un larron meurtrier, repenti sous l'influence de François d'Assise, ainsi qu'on peut le lire dans l'incipit du 26e chapitre des Fioretti : Come santo Francesco convertì tre ladroni micidiali e fecionsi frati; e della nobilissima visione che vide l'uno di loro, il quale fu santissimo frate. (Comment saint François convertit trois larrons homicides qui sefirent frères ; et la très majestueuse vision que l'un d'eux vit, lequl devint par la suite un très saint Frère). Bien qu'il reste sans nom, le frère en question est soumis à un traitement des plus sévères - en rêve, semble-t-il - à l'issue duquel il a vécu tant de choses affreuses puis tant d'ineffables béatitudes que, en effet, on ne peut parler que de "vision très majestueuse".

Dès 1933, la vie musicale en Allemagne fut modelée selon les goûts (!) des nouveaux maîtres du pays ; Hindemith ne faisait certes pas partie des favoris, quand bien même il fut défendu bec et ongles par Furtwängler. Après quelques hésitations, le compositeur comprit quelle était sa voie - et, après avoir quitté tous ses postes officiels dès mars 1937, il quitta définitivement le pays en août 1938. Parmi ses pérégrinations : le Mai musical florentin de 1937, au cours duquel son chemin croisa celui du danseur et chorégraphe Léonide Massine, avec qui il visita les fresques de Giotto retraçant les moments saillants de la vie de François d'Assise. François d'Assise, pensa Hindemith, quel beau sujet dansé. Massine, qui avait déjà sollicité Hindemith pour un ballet peu auparavant, ne fut pas vraiment emballé mais bientôt il changea d'optique : le sujet - Légende dansée en cinq scènes -, le titre - Nobilissima Visione -, tout était trouvé et en février 1938, la partition était achevée. Peu après la création à Londres, Hindemith en tira une suite de trois mouvements, c'est celle qui est le plus fréquemment jouée de nos jours.

Frère Agostino et l'évèque d'Assise ont la vision de la mort de François d'Assise (Giotto, détail)

Enfin, "fréquemment"... pour une œuvre d'une telle beauté et d'une telle majesté, le terme est hélas bien pâle. Le Philharmonique de Berlin lui-même attendit bien longtemps avant de l'inscrire à son programme - on n'ose pas parler de "répertoire" et il a fallu attendre Abbado et la fin du XXe siècle pour qu'ils l'enregistrent enfin. Les concerts d'archives de la Salle de concerts numérique vous offrent donc de découvrir ce grand moment d'orchestre sous la baguette de Herbert Blomstedt, un grand hindemithien devant l'Eternel!

La saison complète 2014-2015 du Philharmonique de Berlin, sujette à d'éventuelles petites modifications dont nous vous tiendrons informés au jour le jour

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Les archives de la Salle de concerts numérique, soit 279 concerts à ce jour.