Dvořák, c'est la Nouveau Monde, le Concerto pour violoncelle et les Danses slaves... Mais, on le sait moins, ce sont aussi nombre de poèmes symphoniques de maturité tels que cette Sorcière de midi, donné par les Berlinois en 2009, désormais versé dans les [Archives de la Salle de concerts numérique->http://www.digitalconcerthall.com/en/concerts/?a=qobuz&c=true]

Le concert du 19 avril 2009 des Berlinois, sous la direction d'Alan Gilbert, commençait par une rareté totalement négligée d'un compositeur archi-célèbre : le poème symphonique La Sorcière de midi de Dvořák, d'après un conte populaire bohémien de Karel Jaromir Erben (1811 - 1870), le "frère Grimm" tchèque. Pourquoi diable ne joue-t-on pas plus souvent ce véritable petit bijou, écrit en 1896 au sommet de la gloire et dans la meilleure veine du compositeur ? Sa durée, trop "long" pour une ouverture de concert standard avec ses quelque dix-huit minutes, trop "court" pour une symphonie de cette époque ? Le sujet, inconnu en dehors des forêts bohémiennes, et férocement sinistre de surcroît ? Le style, encore très brahmso-liszto-wagnérien à une époque où un Strauss a déjà livré à la planète ébahie Don Juan, Mort et transfiguration, Till Eulenspiegel et dont Zarathoustra allait suivre quelques mois après la méridienne Sorcière ? Toujours est-il que Dvořák entre là de plein pied dans la cour des grands compositeurs de poèmes musicaux, certes sans éclat avant-gardiste, mais avec une science de la construction et de l'orchestration tout à fait remarquable.

La partition originale offre, en allemand, anglais et tchèque, un court résumé de l'action, reproduit ci-dessous en traduction française ; la parenthèse explicative finale appartient au texte original. Nous avons rajouté quelques extraits musicaux saillants en guise d'illustration de l'action - cliquez dessus et, miracle, pof ça marche ! -, même si rien n'est précisément décrit dans la partition ; mais les inflexions semblent quand même assez claires. Et le qobuzonaute berlinophile pourra naturellement retrouver l'ouvrage dans son intégralité (suivi du Concerto pour violoncelle avec Isserlis puis la Quatrième de Martinů) dans les Archives de la Salle de concerts numérique dans lesquelles, en attendant le retour de vacances du Philharmonique de Berlin - et le retour, surtout, des concerts en direct- nous avons passé quelques semaines à puiser des concerts un peu originaux.

" Dans une masure pauvre, un enfant joue tranquillement dans un coin tandis que la mère prépare le repas de midi pour son mari, parti travailler aux champs. Bientôt l'enfant devient turbulent, et finit par crier de toutes ses forces ; la mère gronde l'enfant et essaye de le calmer avec des jouets. Mais rien n'y fait, et elle finit par le menacer de la "sorcière de midi". Le subterfuge marche un temps et l'enfant se calme. Mais après peu de temps les cris reprennent, l'enfant jette les jouets à travers la pièce et la mère, à bout de nerfs, appelle furieusement : "Viens, sorcière, viens prendre ce pleurnichard". Soudain, la porte s'ouvre et il entre une petite vieille, fantomatique, toute ridée, appuyée sur une canne tordue. C'est la sorcière de midi. "Donne-moi l'enfant", s'écrie-t-elle. La mère, terrifiée, serre l'enfant dans ses bras mais, telle une ombre, la sorcière de midi s'approche, elle tend ses bras vers l'enfant... la mère s'écroule au sol, évanouie. C'est alors que sonne midi. Le père, qui ne se doute de rien, s'en retourne des champs et trouve sa femme évanouie par terre, serrant l'enfant mort étouffé dans ses bras. (Selon le folklore bohémien, l'heure de midi a ses démons au même titre que la minuit. Ils exercent leur pouvoir de la onzième heure jusqu'à midi ; on les appelle les "sorcières de midi" ou aussi "femmes sauvages". C'est la raison pour laquelle il ne fait pas bon de se trouver en forêt à cette heure.) "

L'on remarquera les emprunts, délibérés ou pas, à quelques idées précédemment émises par Liszt, Wagner et Saint-Saëns - entendrait-on une réminiscence de la Danse macabre dans le ballet infernal de la sorcière lorsqu'elle exige l'enfant ? Il n'en reste pas moins que le langage de Dvořák est aussi puissamment personnel qu'il est puissamment tchèque dans l'âme. Une bien belle œuvre à ne pas rater.

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