On aime ou on déteste la version établie par Deryck Cooke de la Dixième de Mahler, mais on ne peut pas l'ignorer. A écouter en direct de Berlin ce soir, samedi 28 septembre à 20h, dans la [Salle de concerts numériques->http://www.digitalconcerthall.com/tickets/?a=qobuz&c=true]

Entre 1960 et 76, le musicologue britannique Deryck Cooke a établi quatre versions successives de la Dixième symphonie, inachevée, de Gustav Mahler, d'après les amples manuscrits laissés par le compositeur à sa mort : un mouvement quasiment complet et orchestré, quatre autres sous forme de "particell", cette partition résumant la continuité et donnant des détails d'orchestration - sans rien dévoiler des vraies clefs complètes de l'?uvre.

Alma Mahler (qui avait entendu la première version de Cooke) nourrissait une certaine réticence quant à ces ressuscitations, alimentée par Bruno Walter qui n'avait apparemment guère goûté ce qu'il avait entendu. Pourtant, après avoir découvert la deuxième version Cooke, elle lui envoya un mot (daté du 8 mai 1963) annonçant qu'elle acceptait de reconsidérer son véto à l'encontre des travaux de reconstruction. Dans la foulée, la fille d'Alma autorisa Cooke à consulter tous les manuscrits jusque là restés dans l'ombre des archives familiales, ce qui permit au musicologue d'établir une troisième version, un travail qui l'occupa de 1966 à 1972. Cette troisième version offrait pour la première fois une symphonie réellement complète, avec ses cinq mouvements, et la partition de Cooke servit à tous les enregistrements et concerts jusque dans les années 1990. Pourtant Cooke avait encore révisé son travail, juste avant sa mort en 1976 - et après sa disparition, ses collaborateurs modifièrent encore quelques détails, pour une publication définitivement achevée - d'une oeuvre à jamais inachevée, rappelons-le - en 1989.

La première page du Particell du Scherzo : comparez avec le résultat sonore

C'est cette ultime résultat de quelque trente année d'errements, de réussites et de ratages, de doutes et de certitudes, que nous présente le Philharmonique de Berlin, à écouter en direct ce soir samedi 28 à 20h, dans la Salle de concerts numériques. D'aucuns estimeront que bien des passages ne sonnent pas très mahlériens - et ils seraient étonnés de voir que certains de ces moments incongrus ne sont pas forcément ceux reconstruits par Cooke, mais bien ceux terminés par Mahler lui-même ! Cela dit, il est fort imaginable que le compositeur, eût-il vécu, aurait lui aussi ciselé sa partition pendant des mois ou des années avant de la présenter, (provisoirement) achevée, au public. Et encore, sans doute aurait-il encore modifié des détails ou même de grands pans après la création. Misère et grandeur des musicologues tentant de reconstituer des puzzles dont les pièces ne s'emboîtent pas, n'ont pas la même épaisseur, et ne représentent souvent rien de lisible...

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Symphonie n°10, Gustav Mahler / Derick Cooke