Festival résolument placé sous le signe des rencontres, les Nuits du Château de la Moutte s’affirment une fois de plus comme un rendez-vous atypique de Saint-Tropez la frivole. Rencontre avec son directeur artistique, Jean-Philippe Audoli.

De Cassard à Mosalini en passant par Demarquette ou bien encore Pakita, l’éclectisme semble être une revendication du Festival des Nuits du Château de la Moutte ?

Jean-Philippe Audoli : Le programme de notre festival est en effet très divers. Il est construit autour de la musique à travers quelques-unes de ses formes : classique, jazz et tango. La soirée « Proust » et les spectacles pour enfants seront également rythmés par la musique. Je crois que le plaisir et l’émotion qui s’emparent de l’auditeur bousculent les barrières que certains entretiennent entre les différents styles musicaux. Je ressens pour ma part le besoin d’entendre et d’étendre mon propre paysage harmonique et rythmique, de re-oxygéner ma culture musicale. C’est une nécessité assez largement partagée, ne croyez-vous pas ?

Les musiciens ne sont pas seuls à participer au festival. Est-ce également essentiel pour vous de mettre en exergue les passerelles entre la musique et d’autres arts ?

Depuis 1975, le Festival des Nuits du Château de la Moutte est résolument le lieu des artistes qui souhaitent échanger à travers leurs arts et leurs personnalités et réinventer chaque année une partie de sa richesse. Au fil des festivals, la programmation s’est diversifiée, accueillant des musiciens mais aussi des écrivains, des plasticiens et des scientifiques, dans cette atmosphère baignée de musique et d'amitié. Une démarche de provocation, bien évidemment involontaire dans un lieu comme Saint-Tropez mais qui demeure une utopie nécessaire face au monopole local du loisir. Créer du sens, allier la réflexion à l’émotion, ce qui n’est nullement incompatible, est une nécessité commune aux artistes et aux scientifiques. Ils sont chaque année de plus en plus nombreux à désirer nous rejoindre, ce qui m’apparaît comme un signe plutôt positif.

Comment décririez-vous l’édition 2008 par rapport aux précédentes ?

Si le Festival n'a pas attendu aujourd'hui pour afficher son identité à travers la notion de rencontre, il la renforce cependant cette année en inaugurant de nouveaux lieux dans la ville (la Ponche, la place de l’Ormeau et la place de l’Hôtel de Ville) ainsi qu’un événement exceptionnel à la plage des Canebiers. Nous avons cette année, plus que doublé le nombre de spectacles, une démarche assez inhabituelle aujourd’hui, dans ces temps de morosité budgétaire pour la culture.

Techniquement et économiquement, est-ce difficile de faire vivre un festival comme le vôtre en 2008 ?

L’équipe du festival est composée de personnalités aux compétences très diverses et l’esprit est avant tout très joyeux, une compensation face à l’adversité et le poids des démarches administratives et politiques. Nous sommes tous bénévoles et portons ce projet à bout de bras en dehors de nos propres responsabilités. Néanmoins, notre Festival a pris cette année un nouvel élan, à la faveur du récent partenariat que nous avons signé avec la Mairie de Saint-Tropez. Une programmation élargie, une communication modernisée, enfin une ambition renouvelée qui se traduit par un mois de concerts et spectacles au Château de la Moutte. Le mécénat ajouté à une certaine reconnaissance des collectivités territoriales a permis d’augmenter considérablement notre budget. Un exercice d’équilibre à la fois amusant et épuisant.

Même s’il vous est impossible d’évoquer tous les moments forts que vous avez vécu durant les différentes éditions du festival, y en aurait-il un ou deux qui vous tiendraient davantage à cœur ?

Il m’est difficile de sélectionner un événement plutôt qu’un autre. Je dirais de façon très personnelle qu’en matière de transmission des savoirs, l’implicite possède une force pour marquer les individus que l’explicite ne connaît pas. Ainsi chaque été, en jouant aux billes ou même en rêvant, mes enfants ont assimilé les paroles d’un Hubert Reeves ou d’un spationaute comme Jean-François Clervoy et entendu les dessins harmoniques de Liszt à travers le jeu d’Abdel Rahman El Bacha ou Michel Dalberto. Un univers de sensation décidemment très proustien qui se dégage dans ce lieu du Château de la Moutte à St-Tropez.

Le site officiel du Festival des Nuits du Château de la Moutte