Rencontre au sommet entre Bach, Karajan et le cinéaste François Reichenbach, pour un morceau d'anthologie à la fois musicale, historique et cinématographique ; les puriste du baroque risquent de hurler, mais quel beau travail...

Pendant que le Philharmonique de Berlin est en tournée, pas de concerts en direct dans la Salle de concerts numérique : fouillons un peu dans les centaines de concerts d'archives. Ces deux documents visuels de 1967, versés dans les archives de la Salle de concerts numérique, n'ont jamais été publiés du temps de Karajan, allez savoir pourquoi : est-ce parce que pour le troisième Concerto brandebourgois et la Deuxième suite en si mineur de Bach, le chef non seulement ne dirige pas - il "se contente" de jouer l'un des deux clavecins - mais en plus il joue les yeux ouverts, de fort beaux yeux d'ailleurs, que l'on ne voit presque jamais lors de ses concerts où il les tient soigneusement fermés... Toujours est-il que voilà des captations - réalisées sans public - tout à fait singulières et fascinantes, car elles nous montrent Karajan sous un tout autre jour que celui du grand manitou : on le voit écouter très précisément ce qui se passe sans presque jamais intervenir en tant que "chef" (ce qui ne signifie pas, bien évidemment, que les répétitions n'ont pas été menées selon ses directives !), au sein des musiciens de son orchestre, un Philharmonique de Berlin réduit à des proportions en adéquation avec le propos musical.

Pour la Suite en si, la partie de flûte solo est jouée par Karlheinz Zöller (1928 - 2005), qui fut le somptueux premier flûtiste solo des Berlinois de 1960 à 1968, puis à nouveau de 1976 à 1993. Pourquoi ce hiatus, aimeriez-vous savoir ? Simple : en 1968, donc peu après le présent enregistrement, Zöller fut victime d'un très grave accident de la circulation au cours duquel l'un de ses poumons fut percé par une pièce de métal... pas de poumon, pas de flûte. Ce fut James Galway qui le remplaça, jusqu'à ce qu'une opération parfaitement réussie recolle le poumon déchiré, de sorte que Zöller put reprendre sa prestigieuse place jusqu'à sa retraite.

Certes, les puristes de la chose baroque pourront se braquer contre la sonorité hénaurme de ces deux clavecins (des Pleyel construits selon les critères qu'avait fixés Wanda Landowska dans les années 60 ?), le son brillant de la flûte moderne de Zöller, le jeu de cordes amplement berlinois, les articulations et phrasés plutôt romantiques, mais diable, c'est là un enregistrement réalisé voici presque un demi-siècle qui, à ce titre, aurait déjà droit au label "historique" lui-même ! Et Karajan, dans ce rôle de presque discret démiurge, vaut amplement le déplacement. Quant à la réalisation de François Reichenbach, elle fait la part belle aux détails : mains, visages, archets, flûte, attitudes, regards, tout un monde que l'on ne peut pas percevoir en concert pour simple raison de distance...

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