Scorpions piquent toujours !

Décidément, la surprise ne vient jamais de là où l’attend (d’un autre côté, c’est le principe de la surprise). Depuis maintenant plusieurs décennies, Scorpions avait perdu l’aura du groupe livrant des brûlots inoubliables tels que Taken By Force, Lovedrive, Love At First Sting et plus encore ce fameux Blackout qui souffle ses 40 bougies en 2022. Le combo semblait réduit à son statut de pourvoyeur en ballades-cultes, d’une part, mais s’était aussi montré assez peu excitant sur ses derniers albums longue durée. Si l’on ajoute à cela une soi-disant tournée d’adieux à rallonge, si longue que le groupe a fini par dénoncer lui-même tant la chose devenait improbable, on ne peut pas dire que l’avenir de Scorpions s’annonçait spécialement radieux.

Rock Believer est donc inespéré. Il est l’album que plus personne n’attendait de la part des Allemands. Les premiers singles disponibles étaient déjà prometteurs, à l’image de l’hymne Rock Believer taillé pour le live, du frondeur Peacemaker, mais surtout de l’incroyable Seventh Sun (à classer aux côtés des titres rampants du groupe comme China White ou The Zoo) et du prodigieux Shining of your Soul aux délicieuses effluves de la fin des 70’s. Et, miracle, point de ballade mise en avant ! Scorpions a décidé de revenir au hard rock, et nous prouve qu’il n’a jamais oublié la recette magique. Dieu merci, les singles ne sont pas juste de l’apparat et donnent une image représentative du contenu général de l’album. Roots in my Boots, Knock ‘em Dead ou le mid-tempo Call of the Wild sont autant de titres qui ne dépareraient pas sur les albums « des grandes années » que nous avons tant chéris. Même l’inévitable ballade When You Know (Where You Come From) n’a rien de sirupeux et rappelle – si besoin était – que nous parlons de musiciens ayant à leur actif des joyaux tels que Always Somewhere ou When the Smoke is Going Down.

Difficile de ne pas voir un lien entre ce retour aux choses sérieuses et l’adjonction derrière les fûts de Mikkey Dee (ex-Motörhead), l’homme qui joue avec un tronc d’arbre dans chaque main. Sans en faire des tonnes, il a su réinsuffler une vraie dynamique à la musique de Scorpions, que l’on sent à chaque coin de break. Tant et si bien que tout le monde se lâche dans la foulée : Klaus Meine n’avait pas aussi bien chanté depuis la nuit des temps (quel plaisir de retrouver sa voix naturelle, débarrassée d’effets inutiles), et le soliste Matthias Jabs nous gratifie de quelques très belles envolées qui rappellent l’époque où il était bavard à bon escient. Bref, Rock Believer nous (re)donne le sourire à l’évocation du nom « Scorpions ».

Les retours gagnants de ce niveau ne sont pas légion. Ils sont même rarissimes. À ce stade d’une carrière, il est toujours délicat de prendre des paris sur l’avenir, mais si Rock Believer devait être le disque de la retraite pour nos valeureux Teutons (ce que nous ne souhaitons pas), nul doute qu’il s’ajouterait à la longue liste de leurs albums essentiels. Une façon de dire poliment et en musique : « C’est qui le patron ? »

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