Après avoir compilé les faces en format réduit, Mosaic remet en lumière le big band du créateur de Strata East.

Au début des années quatre-vingt-dix, il faisait partie de la cohorte des musiciens oubliés, ceux-là mêmes que les tenants de l’ordre numérique du jazz classaient aux rayons des futilités. D’autres, moins nombreux, souvent collectionneurs de vinyles, connaissaient la valeur de Charles Tolliver, soutier des sixties. Ceux-là vénéraient Strata East, la belle maison que le trompettiste avait fondée à New York en 1970 avec un autre outsider, le pianiste Stanley Cowell. C’est justement le tout premier disque au catalogue qui ouvre ce coffret, le génial Music Inc. & Big Band, où les deux créateurs se partagent l’affiche : Cowell et Tolliver signent l’intégralité du répertoire et prennent pratiquement tous les solos. À la tête d’un orchestre peuplé de sacrés pupitres (dont les sax Clifford Jordan et Jimmy Heath qui réaliseront chacun un disque essentiel sur ce même label), Charles Tolliver déploie la grâce de ses arrangements sur une thématique extralarge : le jazz y est percuté de funk, pimenté de touches latin, agrémenté de couleurs impressionnistes et relevé d’ouvertures free. Sur le second, Impact paru en 1975, Tolliver prend les commandes, Stanley Cowell demeurant en retrait. Renouvelé, le big band reste sur la même ligne esthétique, une écriture dynamique qui ne néglige pas des plages spirituelles, ajoutant une dimension dramatique, voire cinématographique, avec le renfort par deux fois d’un double quartette de cordes comme sur Mournin’ Variations, bouleversant spiritual inspiré d’une suite écrite quatre ans plus tôt par Tolliver pour Max Roach. Enfin, le troisième disque, un inédit de 1979 enregistré à Hambourg, permet de retrouver les mêmes thèmes, Tolliver toujours aussi inspiré à la trompette, même si le son d’ensemble (le NDR big band !) apparaît plus « square ».