Du 17 décembre au 3 janvier, l’opéra bouffe Au temps des croisades de Claude Terrasse s’installera au Théâtre de l’Athénée grâce à la compagnie Les Brigands.

La délicieuse compagnie Les Brigands fait son grand retour sur la scène du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet du 17 décembre au 3 janvier avec Au temps des croisades de Claude Terrasse, et Franc-Nohain pour le livret. Opéra bouffe en un acte représenté pour la première fois à Paris au Théâtre des Mathurins en 1901 puis interdit, sa création publique se déroulera à Liège au Palais de Flore le 2 décembre 1902. Une nouvelle création parisienne se tiendra au Théâtre des Capucines le 14 novembre 1903 sous le titre Péché véniel. La direction musicale de la version présentée à l’Athénée sera signée Christophe Grapperon et la mise en scène, Philippe Nicolle.

Créé le 1er décembre au Théâtre Musical de Besançon, cette production d’Au temps des croisades se promènera ensuite sur diverses routes de France : les 8, 9 et 10 janvier à l’Opéra de Metz, le 17 janvier au Théâtre Municipal de Calais, le 20 janvier au Théâtre Jean Vilar de Saint-Quentin, le 22 janvier au Théâtre d’Arras, le 24 janvier au Théâtre du Beauvaisis de Beauvais, le 31 janvier aux Scènes du Jura de Lons-le-Saunier, le 28 février au Théâtre Monsigny de Boulogne-sur-Mer et le 2 mars à la Maison de la culture de Bourges.

Quelle plaie d’attendre son mari parti – quelle idée ! – en Palestine, en emportant la clef de la ceinture de chasteté ! Si seulement il se trouvait un homme avec assez de souffle pour faire sonner l’oliphant – cochon d’oliphant ! – du seigneur ! Ça sent son XIVe siècle ! Ami d’Alfred Jarry et d’Alphonse Allais, « poète amorphe » autoproclamé et librettiste de L’Heure espagnole pour Maurice Ravel, Franc-Nohain imagine un Moyen Âge truffé d’anachronismes, où la chasse au faucon est un vrai plaisir, où les châteaux manquent de confort mais pas de pâtés en croûte et où l’on part aux Croisades sans même quitter son heaume sweet heaume… Une œuvre pleine de grâce, mais si licencieuse qu’elle sera très vite interdite par la censure… Ce qui n’empêchera pas tout Paris de fredonner sa délicieusement sulfureuse Valse des péchés.

Opérettes, opéras bouffes, comédies musicales des Années Folles : Les Brigands aiment ressusciter des pièces oubliées ou méconnues. Familiers de l’Athénée depuis 2002, ils invitent cette année les 26000 couverts, une bouillonnante compagnie de théâtre de rue qui s’amuse à semer les plus provocantes perturbations. Une rencontre entre deux compagnies à la croisée des Croisades, pour une revue médiévale pleine de surprises et de piquant…

Mais que raconte donc Au temps des croisades ? Dame Bertrade, jeune châtelaine, se marie par procuration à un seigneur. Le lendemain de ses noces, celui-ci part pour la croisade. Elle ne l'aura donc connu qu'une nuit, et ce mari si étourdi a même oublié d'ôter son heaume cette nuit là ; elle ne connaît pas son visage ! Depuis trois ans, Bertrade attend le retour de son époux, accompagnée de ses deux jeunes chambrières. Mais selon l’usage féodal, les dames ne peuvent se marier avant d’avoir été dépucelées par le seigneur. Les servantes font alors preuve d'imagination pour débloquer cette situation et finissent par proposer à Bertrade d'user en souveraine de leur promis, puisque c'est elle qui remplace le souverain en son absence. Après une résistance de façade, elle s'y résout à condition que les deux pages parviennent à jouer de l’oliphant. Malheureusement, ceux-ci échouent. Lassée par l’absence de son mari, elle s’apprête à céder aux avances d’un troisième page, quand on entend retentir l’oliphant. Tout ce petit monde est alors persuadé que le seigneur est de retour...

Philippe Nicolle, directeur et metteur en scène de la troupe, justifie son attirance vers l’opérette par cet esprit commun que l’on retrouve chez maints auteurs : on y détourne les codes des genres les plus nobles (le grand opéra, le drame shakespearien), on fait fi de toute véracité, on s’attache au dérisoire. C’est un vrai régal que le régime féodal ! « Je suis moi-même musicien. Malheureusement piètre instrumentiste. Je sais jouer de tout (guitare, ukulélé, saxophone, scie musicale, chant…), mais mal ! Totalement bloqué par le solfège, j’ai quand même travaillé un temps avec l’ATEM d’Aperghis dans une approche très contemporaine du théâtre musical. Les 26000 eux-mêmes sont attachés à la musique. Nous avons donné Le Grand Bal des 26000 et travaillons actuellement à un spectacle de music-hall intitulé L’Idéal club. Même si j’écoute volontiers Bach ou Chopin, j’aime la musique dans ce qu’elle a de populaire. Doit-on dire ou redire la propension du théâtre contemporain à s’enfermer dans des concepts et des esthétiques trop éloignées de l’impératif populaire ? L’opérette assume cette vocation populaire. Par son sens de la fiction, elle pose sans détours un théâtre basique, plein de clichés. L’opérette m’évoque surtout un monde plein de joie. Monter une opérette aujourd’hui, c’est revendiquer sans complexe cette joie. C’est un formidable terrain de jeu que l’on doit et veut investir comme des enfants. Ce répertoire oublié, délaissé, est presque devenu tabou, trop kitsch ! Je voudrais célébrer la naïveté et l’enthousiasme propres à ce genre, retrouver « le jus » dans cette matière a priori désuète. Bien avant la mode, j’ai été très influencé, voire obsédé, par les Monty Python ; je retrouve dans le livret de Franc-Nohain ce goût pour les collages et les anachronismes, un certain surréalisme qui m’enchante. Mais au-delà de la pochade, ce livret met en œuvre une véritable révolution des mœurs : ce changement d’époque qu’annonce le XXe siècle naissant. On a débouché l’olifant et ce petit événement sonore soulève la chape de l’ordre moral. Les tabous propres aux deux sexes s’évaporent comme s’ils n’avaient jamais été, ou seulement dans les têtes. « C’est un vrai régal que le régime féodal » dit une des chansons qui énumère les mots commençant par « pal ». Le palimpseste notamment, « un parchemin manuscrit dont on a effacé le texte pour en écrire un autre ». Ce régal se décline ainsi à trois niveaux : donner aujourd’hui une œuvre de la Belle Époque qui traite elle-même d’un temps révolu et fantasmé. Faire acte de palimpseste donc. Non pas dans le texte ni même l’esprit mais dans sa représentation. »

En sept ans, la compagnie Les Brigands visite plus de cent théâtres alternant, le répertoire lyrique léger du Second Empire (Offenbach, Delibes) et celui de l’Entre-deux-Guerres (Yvain, Simons, Lattès). En 2000, Loïc Boissier ouvre avec Nicolas Ducloux la partition de Barbe-Bleue d’Offenbach et propose à quinze de ses collègues du Chœur des Musiciens du Louvre d’en monter une version légère sur la Scène nationale de Montbéliard. Benjamin Lévy dirige et Stéphan Druet met en scène. L’équipe s’organise en 2001 pour faire tourner ce spectacle une vingtaine de fois en France et notamment sur les Scènes nationales de St-Quentin-en-Yvelines, La Rochelle et Martigues. Elle s’intitule Les Brigands du nom d’un des chefs-d’œuvre d’Offenbach. Par la suite, s’affirme le goût pour des pièces méconnues du compositeur : ce sera en 2002, Geneviève de Brabant et une première série de représentations à l’Athénée, puis en 2003, Le Docteur Ox.

En 2004, le choix se porte sur une partition au titre insolite Ta Bouche. Cet ouvrage de 1922 est écrit pour neuf chanteurs. Au printemps 2005, ce spectacle bénéficie d’une nomination aux Molières, reçoit le prix SPEDIDAM du meilleur spectacle musical, il est repris durant dix semaines au Théâtre de la Madeleine à Paris. La compagnie s’entiche du parolier Albert Willemetz et propose en novembre 2005, sur la Scène nationale de La Rochelle, une nouvelle production de Toi c’est Moi, une comédie musicale signée du cubain Moïses Simons (nomination en 2006 aux Molières - meilleur spectacle musical). Toi c’est Moi tourne en France d’octobre à décembre 2006 et fait l’objet d’un enregistrement discographique. La compagnie monte Les Brigands d’Offenbach en 2007 pour plus de cinquante représentations. Cette production est reprise en novembre 2008 à l’Opéra d’Avignon, avec grand orchestre puis au Théâtre musical de Besançon. En octobre 2007, la compagnie clôt, avec Arsène Lupin banquier de Marcel Lattès, la trilogie Willemetz. En 2008 enfin, Les Brigands présentent un ouvrage de Léo Delibes, contemporain des Brigands d’Offenbach : La Cour du roi Pétaud (1869). Ce spectacle sera repris en avril et mai 2010.

Philippe Nicolle et Pascal Rome, réunis par la même attirance pour une création hors des cadres, tant géographiques qu’esthétiques, inventent 26000 couverts au milieu des années 90. En 1995, Les Petites Commissions, spectacle matinal et interactif, a lieu sur les foires et les marchés. Il est remarqué lors des festivals de Chalon dans la Rue et Aurillac. L’année suivante, en coproduction avec ces deux festivals, Sens de la Visite, spectacle itinérant et iconoclaste, voit le jour. En 1997, La Poddémie apparaît dans la géographie des peuplades imaginaires et devient l’invitée d’honneur de supermarchés, de centres d’art, de foires, de fêtes de villages, de municipalités et de festivals en France et à l’étranger. En 1998, le spectacle Direct ! prend en otage la télévision. Une adaptation filmée est réalisée pour Arte. L’année 2000 marque le début d’une nouvelle ère. Pascal Rome se consacre à Opus, sa propre compagnie. Philippe Nicolle assure désormais seul la direction artistique des 26000 couverts. Cette année là les Tournées Fournel partent sur les routes de France rebrûler les cendres du théâtre démontable. En 2002, les 26000 rachètent et retapent un ancien dancing forain pour y créer Le Grand Bal des 26000, avec 26 comédiens : un bal du samedi soir, avec son orchestre, son bar et sa piste de danse, où le public, principal acteur et danseur de la soirée, côtoie les figures emblématiques du petit monde du bal populaire.

2003 voit la création du Premier Championnat de France de n'importe quoi, une compétition caméléon qui travestit les certitudes en dérision, dans un véritable gymnase avec public et gradins... Le spectacle tourne une centaine de fois en France et à l’étranger. Il s’arrête fin décembre 2009. En 2004, la compagnie s’installe à Dijon. Ainsi, la Caserne Heudel devient la Caserne des 26000. Au printemps 2006, la compagnie monte Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare. C’est un gros succès, avec plus de 130 représentations fin 2008. En 2008, si les tournées continuent, la compagnie se recentre sur Dijon. La Ville lui confie en juillet une Carte Blanche : 4 jours de festival… 4000 spectateurs ! Le Dancing, joliment rénové, accueille alors la première version de L’Idéal Club, un music-hall où se mélangent artistes invités et comédiens de 26000 couverts. La deuxième version a lieu en 2009. La troupe fait appel à Benoît Lambert pour mettre en scène Jacques et Mylène, un vaudeville trash interprété par Ingrid Strelkoff et Philippe Nicolle.

Christophe Grapperon étudie l’accordéon de concert, le chant, la musicologie puis la direction de chœur et d’orchestre avec Pierre Cao, Catherine Simonpietri et Nicolas Brochot. En janvier 2000, il est l’assistant de Marc Minkowski pour la production de Manon de Massenet à Monte-Carlo. Il devient, en 2002, le chef du chœur des Musiciens du Louvre-Grenoble. Comme baryton, il est engagé par de nombreux ensembles vocaux (Soli Tutti, Les Jeunes Solistes, Séquenza 9.3) et participe avec Les Brigands aux productions de Barbe-Bleue, Geneviève de Brabant, Le Docteur Ox et Les Brigands d’Offenbach. Il dirige Les Aventures du Roi Pausole d’Honegger à l’Opéra de Toulon et plusieurs représentations de Ta Bouche, Toi c’est Moi et Les Brigands. Il prend en charge la direction musicale d’Arsène Lupin banquier à la création en 2007 (plus de cinquante représentations) puis de La Cour du roi Pétaud de Léo Delibes, créé à l'automne 2008.

Le site officiel de la compagnie Les Brigands

Le site officiel de la compagnie 26000 couverts

Le site officiel du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet