Hier 21 juin, ce fut la création mondiale de l'oratorio Le Plafond de la Chapelle Sixtine de Stéphane Delplace. Demain soir samedi 23 juin reprise à Sainte-Marie des Batignolles à Paris, ne manquez pas ce chef-d'œuvre.

Pour célébrer le demi-millénaire de l'achèvement du plafond de la Chapelle Sixtine de Michelange, Stéphane Delplace a composé une impressionnante fresque chorale et orchestrale dont c'était hier la création mondiale à Paris : Le Plafond de la Chapelle Sixtine . Demain soir samedi 23 juin à 20h30, reprise de l'ouvrage à l'église Saint-Marie des Batignolles ; si vous voulez entendre de la véritable musique contemporaine intemporelle, poignante, pure, sincère et éclatante de beauté, allez-y sans hésiter.

Car Stéphane Delplace est un de ces rares compositeurs qui savent merveilleusement faire de la Nouvelle cuisine dans les plats les plus anciens. S'il refuse obstinément d'abandonner le principe de la tonalité, il n'en fuit pas pour autant la dissonance, comme Britten, comme Chostakovitch, comme Prokofiev et comme quelques bien trop rares compositeurs contemporains qui ont aussi osé braver les diktats - que dis-je : les oukases - de l'avant-garde des années 70 et 80. Et il les brave en beauté, non seulement en faisant appel à la tonalité (Schönberg lui-même, à la fin de sa vie, admettait à regret qu'il y avait encore " tant de belles choses à écrire en ut " : Le Plafond de la Chapelle Sixtine fait partie de ces bien belles choses), mais en reprenant à son compte le principe de la polyphonie, et l'art d'écrire de grandes fugues d'une facture extraordinairement complexe. Le finale de l'ouvrage en propose une à neuf voix, trois voix de plus que le contrepoint le plus complexe de L'Offrande musicale de Bach.

Bach, naturellement. Stéphane Delplace assume pleinement la filiation, en empruntant d'ailleurs pour l'un de ses tableaux le thème de L'Offrande musicale - qu'il soumet à un renversement auquel Bach n'avait pas pensé bien qu'il soit tout à fait valide, preuve que ce thème est d'une richesse parfaitement insondable. Autres emprunts amusés : Delplace superpose L'Ode à la joie et le thème du dernier mouvement de la Première de Brahms et là, miracle, les deux motifs se complètement comme s'ils s'étaient attendus à quelques décennies d'intervalle.

Mais ce ne sont là que des (superbes) jeux de l'esprit, un cahier des charges que s'impose Delplace au même titre que George Perec a pu se fixer des buts architecturaux plus ou moins invisibles pour construire ses écrits. A la différence toutefois des modèles quasiment mathématiques de l'avant-garde boulézifiante, dont l'auditeur ne peut en aucun cas saisir les rouages car ils procèdent de l'ésotérisme (ou, diront certains, de la prétention), les recettes cachées de Delplace peuvent se découvrir avec un brin d'attention, petite cerise sur le gâteau.

On ne peut plus que souhaiter que l'œuvre soit présentée bientôt à la Chapelle Sixtine elle-même (pourquoi pas le 31 octobre 2012, cinq-centième anniversaire de l'inauguration de la fresque), dans une interprétation réellement à la mesure de son ampleur musicale et créatrice. Une petite mention particulière pour le violoncelliste Jérôme Pernoo, auquel Delplace a confié une partie soliste dans trois des vingt-et-un tableaux de l'ouvrage : la complicité musicale entre compositeur et soliste est parfaite.

Le Plafond de la Chapelle Sixtine, fresque chorale de Stéphane Delplace en vingt-et-un tableaux, pour chœur, ensemble de cuivres, cordes, deux hautbois, violoncelle solo et orgue. Direction Marc Korovitch, orgue Pierre Méa, violoncelle solo Jérôme Pernoo. Eglise Saint-Marie des Batignolles, samedi 23 juin à 20h30.