Cette "Année Verdi" n'aura pas apporté de découvertes fracassantes, de partitions oubliées ni de nouvelles versions remettant en question une discographie bien établie de longue date. C'est vrai que le compositeur italien est gâté depuis longtemps par ses interprètes qu'il a su lui-même mettre en valeur avec un succès jamais démenti, grâce à son génie de la ligne vocale, sa connaissance des tessitures et son sens vraiment exceptionnel du théâtre. C'est surtout dans les maisons d'opéra du monde entier que cette année voit fleurir un grand nombre de représentations des principaux opéras de Verdi. Ce que le disque apporte de plus précieux, c'est la possibilité d'écouter la totalité des oeuvres du grand compositeur italien et de contenter les mélomanes les plus curieux.

Si de nombreux lyricomanes connaissent la fameuse "Trilogie": Rigoletto, Trovatore, Traviata ou Nabucco, comme ils connaissent Aïda, Otello et Falstaff, ils sont encore plus nombreux à ignorer certains opéras qui contiennent pourtant bien des pages admirables.

Voyons un peu. Tout commence avec Oberto, conte di San Bonifacio, créé à la Scala de Milan en 1839, avec d'excellents chanteurs en remportant d'emblée un joli succès. Calqué sur les codes d'écriture imposés par Rossini, le jeune compositeur prend toutefois ses distances en composant une œuvre personnelle, quoiqu'un peu hybride car il réutilise pour ce premier ouvrage des éléments d'un opéra antérieur jamais représenté. La critique milanaise est assez perspicace, voire visionnaire :

Reste à savoir si M. Verdi parviendra à se pousser encore plus haut ; pour notre part, nous l'espérons vivement car il est de taille à surpasser tous ses confrères.

Avec l'opéra suivant, Un Giorno di regno, Verdi commence à se battre avec le livret et le librettiste comme il fera toute sa vie. C'est un cuisant échec qui va toutefois lui donner la force de persévérer dans la voie de la composition. Le succès extraordinaire de Nabucco va bien sûr conforter le jeune compositeur. C'est la première œuvre où la politique se mêle implicitement à la musique ; l'évocation de l'esclavage des juifs à Babylone étant aussitôt compris comme une allusion à l'occupation autrichienne de Milan et de la Lombardie.

Verdi est lancé et les opéras se suivront au rythme de un, quelquefois deux, par année. Ce seront I Lombardi, Ernani, d'après Victor Hugo, créé à La Fenice de Venise en 1844, puis I due Foscari, d'après Lord Byron qui mérite beaucoup plus que l'oubli dans lequel il est tombé. Cet opéra regorge de mélodies admirables qui s'enchaînent avec une concision et un grand sens théâtral.

Pour terminer ce tour des opéras moins connus de Verdi que vous pourrez tous écouter sur votre Qobuz, signalons encore Giovanna d'Arco (Jeanne d'Arc) qui, par le biais de Schiller, prend pas mal de liberté avec l'histoire véridique. En quête d'exotisme, l'opéra suivant se déroule chez les Incas du Pérou, au XVIème siècle, sous la terrible férule espagnole, c'est Alzira, d'après Voltaire. Quant au personnage du Roi des Huns, son caractère fascinait littéralement Verdi qui lui consacra son opéra Attila.

Depuis quelques années Macbeth est parvenu à se hisser au rang des meilleures productions verdiennes. Ce n'était que justice, car cette première incursion dans le monde de Shakespeare est une totale réussite et plusieurs enregistrements de référence sont aujourd'hui disponibles avec Maria Callas ou avec Shirley Verett sous la direction magistralement habitée de Claudio Abbado.

Si vous voulez pousser un peu plus loin la curiosité, signalons encore des ouvrages rares comme I Manasdieri, Jerusalem (adaptation par Verdi des Lombardi pour l'opéra de Paris), Il Corsaro, La Battaglia di Legnano, Luisa Miller et Stiffelio (et son avatar Aroldo dont il est la refonte).

Pour le reste, cette Newsletter consacrée à Verdi vous proposera des chemins à suivre dans les méandres d'une discographie plus qu'abondante et de qualité. Alors ne boudons par notre plaisir et, comme les patriotes italiens le faisaient au XIXème siècle (photo ci-dessus), clamons tous en choeur VIVA VERDI sans autre arrière pensée que la musique et le plaisir du théâtre.