Après un printemps particulièrement pourri, l'été semble être enfin au rendez-vous du calendrier. Nul doute qu'il va mettre un peu de baume au coeur des organisateurs comme des mélomanes, ces "estivants" de la musique qui aiment fréquenter assidument les très nombreux festivals qui croissent et se multiplient dans notre pays. Mais quelle est l'origine de ces manifestations si populaires aujourd'hui ? Le mot et la chose ont une même source latine : festivitas, (réjouissances); elles se déroulaient dans la Rome antique, à la suite des Jeux Olympiques grecs, comme dans plusieurs civilisations du Moyen-Orient, à date régulière et faisaient partie de la vie quotidienne. En Europe, le christianisme naissant reprendra de nombreuses fêtes à son compte comme par exemple les festivals de la Saint-Patrick en Irlande, la commémoration du jour de la Sainte-Cécile (22 novembre) en Angleterre et les "puys" en France. Ces derniers étaient des sociétés ou guildes musicales et littéraires qui se sont multipliées du Moyen Age jusque dans les premières années du XVIIème siècle dans le nord de notre pays. Issues des traditions des troubadours, elles organisaient chaque année des concours de chansons ou de poésie dédiés à la Vierge Marie. Une tradition analogue existait dans la tradition allemande, elle est d'ailleurs magistralement évoquée par Wagner dans Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg.

C'est vers 1715 que se dessinent des manifestations musicales préfigurant les nôtres, avec les festivals de chant choral qui ont lieu dans toute l'Europe. Elles virent le jour en Angleterre, autour des choeurs des cathédrales. Puis, c'est autour de l'exécution des oratorios de Handel que la tradition du festival se cristallise peu à peu. L'idée s'étend dans les pays germaniques où l'on considère que le premier vrai festival de musique allemand s'est déroulé en 1810, l'année suivant la mort de Haydn, avec une exécution colossale de La Création sous la direction de Ludwig Spohr. La manifestation va faire tache d'huile en se transformant peu à peu en fêtes commémoratives, dont les plus célèbres restent le Festival Bach de Leipzig (1843) (photo ci-dessus : la Thomaskirche de Leipzig dessinée par Felix Mendelssohn), le Festival Beethoven de Bonn (1845), le Festival Schumann de Düsseldorf (1851), le Festival Haendel de Halle (1858) et le Festival Mozart de Salzbourg (1870). La fondation du Festival de Bayreuth créé par Wagner en 1876 pour y jouer exclusivement ses propres oeuvres, va constituer une sorte d'archétype de nos festivals modernes.

Chez nous, le terme apparaît dès 1829 dans le Nord de la France. Il s'agit alors de fêtes musicales populaires autour des Sociétés Orphéoniques, grand mouvement festif et musical réunissant des milliers de chorales, le plus souvent masculines, dont les chanteurs étaient issus des classes populaires. Défilés et grands concerts attiraient une foule considérable.

Mais le plus ancien festival français toujours en activité est celui d'Orange, fondé en 1869 sous le nom de Fêtes Romaines, après la restauration du théâtre antique (photo ci-dessus) à l'acoustique exceptionnelle. On y présente cette année là une production de Joseph, un grand opéra biblique de Etienne Nicolas Méhul permettant des mouvements de foule spectaculaires. Depuis quelques années, les Chorégies d'Orange cherchent à toucher un autre public que celui exclusif de l'opéra, avec notamment l'organisation de grands récitals. C'est Lang Lang qui va ouvrir les feux cette année, le 11 juillet, avec un récital consacré à Mozart et à Chopin. Succès garanti. Côté opéra, ce sont les deux grands bicentenaires de l'année qui seront fêtés avec Le Vaisseau fantôme de Wagner et Un Bal masqué de Verdi.

Non loin de là, c'est bien sûr le Festival d'Aix-en-Provence, fondé en 1948 par Gabriel Dussurget, qui focalise tous les regards, avec des productions très attendues, parmi lesquelles Elektra (Richard Strauss) mise en scène par Patrice Chéreau, dirigée par Esa-Pekka Salonen et le nouveau Rigoletto (Giuseppe Verdi) de Robert Carsen et Gianandrea Noseda.

La France est une terre de festivals exceptionnellement fertile, des plus petits au plus grands. Vous en rencontrerez absolument partout cet été et vous croiserez sans difficulté sur votre chemin ces pèlerins plus proches de Sainte-Cécile que de Saint-Jacques et dont le symbole pourrait bien être celui d'une oreille en guise de coquille.

François Hudry : 10 juillet 2013 par qobuz.com