C’est avec seulement quelques accessoires et un nez de bois en guise de masque qu’Yves Hunstad occupe la scène du Théâtre de Suresnes, guidé par la mise en scène de sa compère de toujours Eve Bonfanti. Le comédien interprète un personnage humain, grave et fragile à la fois, qui mêle poésie et humour et séduit autant l’esprit que le cœur. Le concept est simple : le personnage en question, sorte de bouffon lucide de sa situation, sort de son cadre théâtral pour s’interroger sur l’acteur qui l’incarne. Pas si simple, à vrai dire, car le recul imposé opacifie la frontière entre réalité et fiction, et jongle avec les codes théâtraux. Il en résulte une réflexion parathéâtrale sur la dualité entre personnage et acteur qui questionne les fondements mêmes de l’art théâtral, à savoir le dédoublement ou la fusion d’un acteur avec son personnage et l’usage qu’il est fait de cette relation dans la pièce. On pense bien sûr à l’Illusion comique d’un certain Corneille ; à la différence près qu’ici, le spectateur n’est pas dupé jusqu’à la surprise finale, mais se laisse guider dès le début dans les coulisses du théâtre, explorant consciemment la préparation nécessaire au bon déroulement de la pièce. C’est justement cette prise de recul qui crée une ambiguïté du propos et déclenche ainsi facilement le rire ; la distance entre le personnage-acteur et le public s’est considérablement rétrécie, la complicité peut alors s’installer, faisant du spectateur un contributeur à la bonne mise en place du spectacle. A la croisée du théâtre élisabéthain et de la création contemporaine, la Tragédie Comique joue avec la représentation, son cortège d'impostures et de dévoilements, ses limites et son infinité.
Créée en 1988 par Eve Bonfanti et Yves Hunstad, la Tragédie comique a été jouée plus de 800 fois en tournée depuis sa naissance ! Déjà lors de sa création, la pièce était déjà produite par La Fabrique imaginaire, compagnie du couple théâtral qui bouscule les codes de la représentation et éveille notre sensibilité et nos désirs les plus enfouis, soutenue par le Ministère de la Culture de la Communauté française de Belgique. D’une durée d’1h40, la Tragédie comique est ouverte à tous, aux enfants à partir de 8 ans, l’humour demeurant l’éternel critère fédérateur de tous les publics, initiés ou non, adultes ou enfants.
Eve Bonfanti se rappelle la construction du spectacle, les répétitions mouvementées qui démarraient dès l’instant où Yves Hunstad avait posé un pied dans le théâtre, ayant à peine eu le temps d’allumer un projecteur : « Le travail de la Tragédie Comique fut un bricolage minutieux, une construction précise et laborieuse qui devait devenir pour Yves une cage invisible aux barrières infranchissables mais insoupçonnées... ». D’où l’importance vitale de toute l’équipe, qui a soutenu le duo théâtral de A à Z, faisant des idées conceptuelles une réalisation pratique qui donne enfin vie à la pièce : « Il a fallu qu’Erhart Stieffel arrive sur la pointe des pieds et sculpte du bout des doigts un nez de bois au bouffon, tel Gepetto façonnant Pinocchio. Qu’avec Françoise Colpé, il métamorphose le costume informe en celui de nos rêves : un habit qui nous revienne de la nuit des Temps, après avoir traversé par monts et par vaux les siècles et les civilisations. Il a fallu encore que Gaëtan et Pierre Hollemans, l’un et l’autre se succédant à la régie, se coulent dans la peau d’André le régisseur débonnaire soi-disant dépassé mais plus malin qu’un singe d’un spectacle soi-disant improvisé ». Une aventure vécue à plusieurs, donc, à travers une équipe soudée, toujours indispensable à la concrétisation des concepts artistiques dans le monde du spectacle vivant.
1415 // La Tragédie Comique - Ève Bonfanti et Yves Hunstad
Théâtre de Suresnes Jean VilarLes représentations auront lieu les jeudi 12, vendredi 13, samedi 14 et mardi 17 mars à 21h, et le dimanche 15 mars à 17h, au Théâtre de Suresnes, salle Jean Vilar.