Artiste chic et populaire, sensible et libre à la fois, la plus française des chanteuses anglaises a disparu ce 16 juillet à l’âge de 76 ans, laissant derrière elle un héritage colossal.

A l’image des inénarrables logorrhées dont elle était capable lors de ses interviews, Jane Birkin était une artiste protéiforme que rien n’arrêtait. Disparue le 16 juillet 2023 à Paris, elle était tout à la fois actrice, réalisatrice et autrice. Elle était aussi une citoyenne engagée, en colère perpétuelle contre toutes les formes d’injustice. Mais c’est naturellement dans la chanson qu’on la connaissait le mieux, en particulier grâce au couple qu’elle formait, à la ville et en studio, avec Serge Gainsbourg. Durant cette période allant de la fin des années 1960 jusqu’en 1978 et le magnifique album Ex-fan des sixties, certains ne la voyaient que comme la muse évaporée de l’homme à la tête de chou. Mais elle était évidemment bien plus que cela. De par sa classe naturelle, son humour (et son français bien à elle !), elle est progressivement devenue une icône auprès d’un public hexagonal qui l’a adoptée. C’est en 1968, sur le tournage de Slogan de Pierre Grimblat, que la jeune Anglaise (venue en France pour tenter sa chance comme actrice) rencontre Serge Gainsbourg.

Durant une dizaine d’années, ils forment un couple qui incarne l’élégance cool de manière définitive, que ce soit dans les soirées à l’Élysée-Matignon ou sur vinyle. Ils enfantent une poignée de chefs-d’œuvre comme Jane Birkin – Serge Gainsbourg en 1969 et Di Doo Dah en 1973. Dans le rayon des semi-échecs, citons Lolita Go Home (1975), où elle reprend Cole Porter version pop ou chante du Philippe Labro, dont les textes souffrent de la comparaison avec ceux de Gainsbourg. Cette période a engrangé un nombre incalculable de tubes comme 69 Année érotique, Jane B, Ballade de Johnny Jane ou L’Aquoiboniste.

Après leur séparation, les deux artistes continuent à travailler ensemble, jusqu’à la mort de Serge Gainsbourg en 1991. Si les synthétiseurs et les rythmiques 80′s viennent d’immiscer dans les créations du tandem, les paroles de Gainsbourg conservent leur beauté intemporelle. On retiendra Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve dans Baby Alone in Babylone en 1983, Une Chose entre autres dans Lost Song en 1987, ou encore Amour des feintes dans l’album du même nom de 1990. Leur dernier ensemble. Après un disque de reprises en forme d’hommage en 1996 (Version Jane), Jane Birkin se réinvente totalement. Au lieu de se lancer dans la recherche – forcément vouée à l’échec – de celui qui pourra remplacer Gainsbourg, elle se crée une immense famille de compositeurs, arrangeurs, paroliers et chanteurs avec lesquels elle publie des disques qui assument cette hétérogénéité. Citons Alain Souchon, Miossec ou Marc Lavoine dans A la légère, Brian Ferry, Mickey 3D ou Caetano Veloso dans Rendez-vous en 2004, The Divine Comedy et Kate Bush dans Fictions en 2006.

Dans ses derniers albums (les plus intimes de sa carrière), elle se lance dans l’écriture de paroles (Enfants d’hiver en 2008 et Oh ! Pardon tu dormais en 2020). Elle ne reviendra chez Gainsbourg qu’à deux occasions seulement : pour l’album live Arabesque en 2002, ainsi que Birkin/Gainsbourg : le symphonique en 2017. S’il y a clairement un avant et un après Gainsbourg dans la carrière musicale de Jane Birkin, celle-ci a toujours conservé la même ligne de conduite dans ses choix et son interprétation, ce mélange parfois improbable mais toujours élégant de légèreté et de profondeur, de fantaisie et de sensibilité.

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