L’œuvre de Sibelius demeure l’une des plus mystérieuses et envoûtantes du début du XXe siècle, une musique d’une incroyable puissance sensuelle, au-delà de ses couleurs apparemment froides. Entrer dans cet univers demande une certaine persévérance ; s’y dévoile une forme de brutalité dans l’énoncé des idées, reflet en réalité d’une intelligence supérieure, coulée dans un sens de la concentration maximal. L’univers de Sibelius, qui a tant apporté à tout un courant stylistique de la fin du XXe siècle, à commencer par les répétitifs Nord-Américains, a le génie de concilier un don d’invention mélodique totalement inconnu de ses contemporains (Kullervo, thème final de la 5e Symphonie), et une idée tout à fait personnelle de la matière orchestrale (et surtout de son évolution dans le temps musical). S’y ajoute aussi une conscience particulièrement aiguë de l’espace acoustique. Le son y est saisi jusque dans sa dernière résonance.
Figure nationale en Finlande, Sibelius fut très tôt célébré en Angleterre, pays qui a tout de suite saisi le caractère particulier de cet univers, à la différence de l’Europe continentale, qui l’a toujours considéré comme un romantique attardé. Les mélomanes découvrirent le compositeur principalement par l’enregistrement, et la discographie officielle des œuvres de Sibelius est sans conteste l’une des plus denses. Même Debussy, Ravel, Mahler, Bartók ou Schönberg ne peuvent se vanter d’une aussi constante et exceptionnelle qualité d’interprétation au fil des décennies.
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