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Joseph Keilberth

Lorsqu’il créa la Première Symphonie de Wilhelm Furtwängler, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, en 1956, dans le cadre du concert officiel qui commémorait les 70 ans du célèbre chef disparu deux ans auparavant, de nombreuses personnes souhaitaient que Joseph Keilberth devienne le successeur de Furtwängler. Mais Herbert von Karajan, son exact contemporain, attendait son heure tapi dans les coulisses. Trapu, énergique, volontaire, Joseph Keilberth était parcouru d’une fougue et d’une énergie quelquefois indomptée, mais qui faisait merveille au pupitre. Comme son éternel rival Knappertsbusch il n’aimait guère répéter, ce qui privilégie l’attention et une certaine liberté d’exécution au détriment parfois de la précision. Dans son cas, les résultats oscillaient entre miracles et catastrophes.


Joseph Keilberth était le type même du Kappelmeister au sens noble du terme. Il avait gravi peu à peu les échelons de sa carrière dans des théâtres de plus en plus importants. Il débute, à 17 ans, comme répétiteur au Badisches Staatstheater de Karlsruhe avant d’en devenir le directeur musical dix ans plus tard. Après la guerre, il partage son activité entre l’Opéra allemand de Prague et son poste de Directeur musical de l’Opéra de Dresde, puis de la fameuse Staatskapelle. Dans les années cinquante, il est le chef titulaire de l’Orchestre Philharmonique de Hambourg, puis fonde l’Orchestre Symphonique de Bamberg avec les musiciens de l’ancien Opéra allemand de Prague qu’il connait bien. Petite ville de Franconie épargnée par les destructions de la Seconde Guerre Mondiale, Bamberg est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO et continue à entretenir cet orchestre devenu, grâce à Keilberth, puis à Eugen Jochum, une des meilleures formations symphoniques d’Allemagne.


Mais c’est surtout dans « l’abîme mystique » de Bayreuth que Joseph Keilberth excelle. Il est l’hôte de la « Colline sacrée » dès la résurrection du Festival (Neubayreuth) en 1951. Il dirige plusieurs cycles complets de L’Anneau du Nibelung, en 1952, 1953, 1954 et 1955, ce dernier étant capté pour la première fois en stéréophonie par DECCA qui en projetait une luxueuse édition. Mais le projet d’un Ring en studio sous la direction de Solti mit fin à cette publication et l’enregistrement fut oublié, caché jusqu’à sa redécouverte et sa publication en 2005 qui fit l’effet d’une véritable bombe dans le Landernau wagnérien. On y entend pour la première fois les grands chanteurs wagnériens du Nouveau Bayreuth dans des conditions d’enregistrement d’une grande vérité ; le Wotan de Hans Hotter qui allait devenir mythique, la Brünnhilde électrisante d’Astrid Varnay, la beauté du timbre et l’héroïsme de Wolfgang Windgassen, sublimés, portés, par la direction incandescente de Keilberth qui nous délivre une magistrale leçon de direction wagnérienne, avec une fluidité formidable donnant sa cohérence à tout l’ensemble.  


Les autres enregistrements de la Tétralogie sous la direction de Keilberth sont passionnants, notamment celui de 1952, frémissant de théâtralité, avec quasiment les mêmes chanteurs que trois ans plus tard. Joseph Keilberth nous a légué quelques disques incontournables, comme ce Lohengrin de 1953 à Bayreuth, le Freischütz de Weber avec Rudolf Schock, Elisabeth Grümmer et Hermann Prey, un scintillant enregistrement d’Arabella de Richard Strauss avec Lisa Della Casa et Dietrich Fischer-Dieskau. Ce grand straussien laisse aussi une Femme sans ombre aux couleurs chatoyantes, enregistrée en 1963 pour la réouverture de l’Opéra de Bavière, avec une distribution prestigieuse. Dietrich Fischer-Dieskau (Barak) et Ingrid Bjoner (sa femme), forment un couple idéal. Jess Thomas, empereur impérial, bravant avec fierté une tessiture éprouvante. Ingrid Bjoner, impératrice souveraine, déploie son grand lyrisme dans un sublime troisième acte. Martha Mödl, brille de ses derniers feux dans une nourrice veillant au destin de sa maîtresse. Grand luxe, le messager d’Hotter. Le reste de la distribution est digne de cette grande maison. On doit aussi à ce chef une très belle version des Symphonies 3 et 4 de Brahms, gonflées d’énergie solaire et quelques Symphonies de Haydn où règne la joie de vivre. Ce grand wagnérien trouvera la mort la baguette à la main en dirigeant Tristan et Isolde, en 1968, à l’Opéra de Munich, à l’âge de 60 ans. Une mort certes théâtrale mais qui est venue trop tôt pour faucher un grand serviteur de la musique.


© FH – décembre 2017 /Qobuz

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