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Edward Elgar

En France, on n'accepte vraiment au panthéon des grands compositeurs anglais que Purcell et, depuis quelques temps enfin, Britten. Entre la mort de l'un en 1695 et les premières oeuvres du second vers les années 1935, c'est apparemment le vide pour les édiles et censeurs de ce côté d'Eurotunnel. Certes, le XVIIIe musicobritannique restait inféodé aux Italiens et aux Allemands d'importation, tandis que le XIXe siècle où est né Edward Elgar - le 2 juin 1857 - n'a pas vu éclore grand monde. Elgar lui-même ne commença à composer «sérieusement» qu'à la toute fin du siècle, et ses oeuvres majeures datent en fait du XXe. Il faut dire qu'après avoir reçu les bases de sa formation musicale par son père (violoniste professionnel, accordeur de piano et organiste de l'église catholique de St George à Worcester pendant 37 ans) et s'être en partie formé tout seul par des livres dès l'âge de sept ans, Elgar habita longtemps dans des villes de province sans aucune vie musicale, qu'il était de nature timide, et que son expérience pratique se limita longtemps à diriger l'orchestre... de l'asile de fous de Worcester (en Grande-Bretagne ainsi que dans la sphère des anthroposophistes tels que Rudolf Steiner, on considère depuis longtemps que la musique a des effets bénéfiques sur l'état mental des personnes déséquilibrées du cerveau, ce qui est d'ailleurs tout à fait exact). Il servait aussi à l'orgue de la ville, succédant ainsi à son père, enseignait le violon au Collège de Worcester pour les fils aveugles des gentlemen, jouait dans des petits ensembles et orchestre locaux, et aidait parfois son père dans le magasin familial d'instruments de musique et de partitions quand les finances étaient au plus juste. Rien de bien glorieux donc. Un voyage d'édification en France et en Allemagne lui permit quand même de se familiariser avec la musique moderne d'alors : Wagner, Brahms, Schumann, Saint-Saëns, Berlioz, Dvorák dont il admirait les oeuvres et la réussite.



En 1885, le sort lui sourit enfin : il prend pour élève Alice Roberts (fille de Sir Henry Roberts, officier supérieur de l'armée britannique), de huit ans son aînée, et en 1889 en fait sa femme - avec comme dot un désaveu totale de l'aristocratique famille d'Alice qui voyait d'un oeil sombre cette union avec un obscur musicastre, vendeur dans un magasin de quartier, de surcroît son cadet de plusieurs années, et ultime abomination, un catholique. Alice fut illico déshéritée ; mais c'était sans compter avec son opiniâtreté et sa foi absolue dans le génie de son jeune mari. Businesswoman de grand talent, elle entraîna Elgar à s'installer à Londres plutôt qu'à végéter au fin fond de la province. Il y découvrirait la musique moderne, les bons orchestres, les grands interprètes. Alice introduisit son mari dans les milieux susceptibles de favoriser sa carrière mais bientôt la cherté de la vie londonienne les renvoya à la campagne : le compositeur dut se rabattre sur les commandes occasionnelles que lui passaient des choeurs pour quelques oeuvres nouvelles, composa quand même le merveilleux cycle de mélodies pour orchestre et contralto Sea Picture, mais rien qui ne soignât son blues et sa dépression, car la quarantaine dépassée, que pouvait-il encore espérer en termes de carrière internationale ?



Tout simplement la gloire qui devait lui tomber dessus avec les géniales Variations Enigma de 1899, et son entrée fracassante dans la cour des grands. À l'âge de quarante-deux ans, il n'avait rien produit qui rencontrât plus qu'un succès d'estime : quelques oeuvres liturgiques tout ce qu'il y a de classique, dans la droite ligne musicale victorienne d'alors, sans accrocs ni originalité. Cependant, sa renommée britannique, bien que modeste et tranquille, était suffisante pour que l'on accepte de jouer à Londres cette nouvelle pièce de lui ; sous la direction de rien moins que Hans Richter, l'ouvrage connut un invraisemblable triomphe, totalement mérité, et une carrière internationale absolument immédiate. Peu après, on l'entendait en Allemagne, puis en Russie où Glazounov et Rimsky-Korsakov la portaient aux nues. Mahler la dirigea à New York en 1910.



À la mort d'Arthur Sullivan en 1900, l'Angleterre se trouvait orpheline de son plus célèbre compositeur. La place était donc à prendre... elle fut pour Elgar. Un grand festival choral (la Grande-Bretagne en compte d'innombrables, pour la plupart toujours actifs un siècle plus tard !) lui commanda un grand ouvrage pour choeur et orchestre : ce fut le génialissime Dream of Gerontius, que le public français ne semble pas vraiment connaître alors que la sphère anglo-saxonne et le monde germanique l'inscrivent fréquemment aux programmes. Après la création en Allemagne, Elgar eut le bonheur de se faire porter par rien moins que Richard Strauss un toast ainsi formulé : « au succès du premier musicien progressiste anglais, Meister Elgar ». Donc, chers qobuzonautes : ruez-vous sur ce sublime chef-d'oeuvre.



Entre 1891 et 1904, Elgar dirige l'Orchestre Philharmonique de Worcestershire et enseigne à l'Université de Birmingham. En 1901, le compositeur offre la première et la plus célèbre de ses cinq marches Pomp and Circumstance qu'il continuera à étoffer jusqu'à sa mort. Il est à noter que pour le couronnement d'Edouard VII, on demanda à Elgar de retravailler cette marche en intégrant une partie vocale qui allait devenir le célébrissime Land of Hope and Glory, une sorte d'hymne national inofficiel. Quel succès !



Dès 1904 l'Opéra de Londres organisait un festival Elgar... succès invraisemblable, avec le roi et la reine parmi l'auditoire. Anobli, Elgar devient «Sir» et reçoit encore plusieurs titres de Doctor of Music honoris causa (Universités de Cambridge, Oxford, Leeds, Aberdeen, Yale, Pittsburgh). Jusqu'en 1911, le musicien volera de gloire en honneur (L'Ordre du mérite), de célébrité en célébration, en particulier avec sa bien belle Première symphonie de 1908 qui fut rapidement donnée à New York, Vienne, Saint-Pétersbourg, Leipzig, Rome, Boston, Chicago par les plus grands chefs d'alors ; Nikisch, Siloti, Damrosch, quelque cent représentations en une seule année. Enfin, ce fut le Concerto pour violon, commandé et créé par Fritz Kreisler, consécration des consécrations, hélas suivie par des déconvenues avec les oeuvres écrites après 1911. Durant une année (1911-1912), Elgar est à la tête du London Symphony Orchestra avec lequel il crée plusieurs de ses compositions. Puis survint la guerre, pendant laquelle Elgar se cantonna à quelques pièces de circonstance, dont quand même le très réussi Starlight Express pour enfants, une splendeur.



À l'issue de la guerre, la santé du compositeur - qui accusait alors la soixantaine - le força à une certaine retenue sociale et musicale. Il composera quelques très belles pages de musique de chambre, et son remarquable Concerto pour violoncelle qui fut pourtant un four retentissant. En 1920 sa musique était désespérément «ancienne», et ne correspondait pas aux nouveaux diktats en provenance de Vienne, de Paris. Qui plus est, Alice Elgar devait s'éteindre cette même année, à l'immense détresse de son mari qui réfugia son malheur dans des occupations diverses... la chimie, le football, les courses hippiques, le vélo et d'interminables ballades en voiture sous la conduite de son chauffeur personnel. Elgar continue de recevoir plusieurs distinctions (Maître de musique du roi en 1924, Chevalier de l'Ordre royal victorien en 1928, baronnet en 1931).



Encore quelques compositions épisodiques, mais Elgar s'attache surtout à un nouveau support, l'enregistrement phonographique. Depuis 1914 le compositeur avait commencé à graver ses propres oeuvres, et avec l'arrivée dans les années 1925 des microphones électriques, il en profita pour immortaliser la majorité de son répertoire orchestral à la tête des meilleurs orchestres anglais, des enregistrements toujours disponibles de nos jours. Entre 1930 et sa mort en 1934, Elgar connut un regain d'intérêt, en particulier entres les mains de jeunes musiciens qui se firent les champions de sa musique : Barbirolli, Sargent, Boult, Menuhin. Depuis, sa musique n'a plus jamais quitté les sommets de la gloire. hormis en France. À sa disparition le 23 février 1934, des suites d'un cancer de l'intestin, il laissait les brouillons d'une Troisième symphonie dont il a été concocté une version plus ou moins définitivement provisoire.



Qobuz 01/2013

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