Rencontre avec le pianiste à l’occasion de la sortie d’ Extase Maxima, son nouveau disque qui parait chez La Dolce Volta et qu’il consacre, avec originalité, à la musique de Wagner.

Deux compositions originales de Wagner, cinq partitions inspirées par ses opéras, dont trois par Tristan et Isolde : le programme du nouvel album de Wilhem Latchoumia, Extase Maxima, qui parait le 26 septembre chez La Dolce Volta, forme un ensemble aussi singulier que cohérent dont le pianiste livre une interprétation pleine de souffle et de timbres qui séduira les wagnériens aussi bien que les passionnés de raretés pianistiques.

Aussi bien fasciné par la création contemporaine que le grand répertoire, le Lyonnais lauréat du Concours International de Piano d’Orléans en 2006 avait publié un premier enregistrement d’œuvres contemporaines signées Harvey, Cage, Jodlowski et Nono, en 2008 sur le label Sisyphe (Piano & Electronic Sounds qui fut récompensé par un Choc du Monde de la Musique), avant de sortir, chez RCA Red Seal, Impressões, un disque réunissant des pièces de Villa-Lobos, Guarnieri, Guastavino et Ginastera, également salué par la critique (Choc du Monde de la Musique, Diapason d'or, meilleur enregistrement pour la revue Audio Clasica). Rencontre.

Comment est née l’idée de ce programme Wagner ?

Wilhem Latchoumia : À la base, l'idée est une proposition du Palazzetto Bru Zane, qui voulait fêter Wagner à Venise. Cela dit, la musique de ce compositeur m'a toujours fascinée, j'ai depuis longtemps toute sa musique de piano dans ma bibliothèque. Par ailleurs, je jouais déjà La Mort d'Isolde (transcription de Liszt) et régulièrement je parcourais la Fantaisie sur Die Walküre de Hugo Wolff. Par ces deux pièces, j'avais un peu l'ossature de mon programme. Pour le reste, il m'a fallu beaucoup de recherche et de réflexion afin de composer un programme cohérent.

Comment En haut du Mât, courte pièce signée Gérard Pesson, s’est immiscée dans ce disque ?

La musique de Gérard Pesson m'est très familière, il m'a d'ailleurs écrit une pièce. C'est un compositeur qui aime tisser des liens avec les interprètes. Souvent, il écrit en fonction des caractères de chacun, je pense notamment au Concerto pour piano qu'il a composé pour Alexandre Tharaud. J'ai voulu faire un triptyque autour de l'opéra Tristan et Isolde, j'avais trouvé l'extrait du deuxième acte transcrit par Alfred Jaell. Puis je suis tombé sur En haut du Mât un peu par hasard. Il s'agit de l'air du marin du premier acte. Étrangement, cette monodie n'a pas été harmonisée par Wagner, elle reste dénudée. Et l'idée de Pesson est de proposer un contrepoint qui met en valeur cette monodie. L'idée de transfiguration me plait beaucoup, cette proposition de Gérard Pesson répond à l'Elégie de Wagner, qui aurait dû faire partie de Tristan. Pour Pesson, Tristan est l'opéra par excellence, quel bel hommage…

Dans votre parcours musical – de votre éducation à aujourd’hui –, quel rôle a joué la musique de Wagner ?

Durant ma scolarité, j'ai beaucoup accompagné les chanteurs. L'orchestre m'a toujours fasciné. Puis, avec le mythique accord de Tristan, Wagner ouvre les portes de la musique moderne, que je joue beaucoup. La façon dont Wagner s'approprie les mythologies nordiques pour en dégager une autre est très intéressante. Les rapprochements qu'on peut faire avec Liszt sont saisissants, sur certaines pièces, on se demande qui a influencé qui.

A l’heure de la dématérialisation de la musique, quelle valeur donnez-vous au disque et à l’enregistrement en général ? Et quel rôle les disques ont joué dans votre éducation musicale ?

Grace au disque et à la médiathèque, j'ai pu brasser énormément de répertoire, écouter énormément de musique quand j'étais adolescent. J'écoutais quatre CD par semaine, que ce soit de la musique classique, de la musique du monde, etc. Avec la dématérialisation, j'ai l'impression d'être moins curieux, je télécharge mes coups de cœurs. J'ai encore quelques vinyles que j'ai plaisir à mettre sur la platine. Les sons compressés sont plus pour le moment de voyage, donc pratiques... Mais ressentir les vibrations de la musique avec de vrais baffles, c'est un plaisir que je ne retrouve pas dans mon baladeur mp3.

On connait votre intérêt pour ne pas dire votre passion pour la musique contemporaine, quelles sont les partitions de ce répertoire qui trônent actuellement sur votre piano ?

Beaucoup ! Deux créations de Pascal Dusapin (clarinette piano & chant piano) pour le festival Musica à Strasbourg en octobre prochain. Série Rose et toutes les autres d'ailleurs de Jodlowski pour mai prochain à la Chaux De Fonds en Suisse. J'attends avec impatience plusieurs concertos en création pour 2015 De La Fuente (février avec orchestre Philharmonique de Radio France) R. Cendo avec l'ensemble LINEA & pour plus tard encore Clara Ianotta avec l'Ensemble Orchestral Contemporain. J'aime beaucoup l'idée de réinterroger le concerto. Sinon, je me décide à me lancer dans la musique de Scelsi. Ce sera à Marseille avec la Suite n°9, une autre façon de visiter l'Inde d'où viennent mes arrière-grand-pères.

Le site officiel de Wilhem Latchoumia