Avec "The Nightmare of Being", les maîtres de la scène death metal suédoise signe un nouvel album autour de la philosophie du pessimisme. Un disque qui comptera.

De tous temps, At The Gates a mis un point d'honneur à faire les choses de manière élégante. Qu'il s'agisse de ses textes, de ses arrangements ou de ses visuels, le groupe mené par Tomas Lindberg (chant) a toujours cultivé un certain sens de la différence au sein de la pléthorique scène death metal suédoise. En 1995, son album Slaughter of the Soul a tellement marqué les esprits (servant notamment de référence absolue à toute une scène metalcore américaine en devenir) qu'il a fini par devenir un cadeau empoisonné pour le groupe, se sentant prisonnier de la formule magique qu'il avait lui-même créée.

Au terme d'un silence studio de 19 ans, la troupe a enfin pu revenir libre de ses mouvements et continuer d'avancer dans son processus créatif. At War With Reality (2014) et To Drink From the Night Itself (2018) témoignaient d'un renouvellement notable, mais The Nightmare of Being qui vient de paraître est un véritable pas de géant qui transcende véritablement l'identité du groupe.

AT THE GATES - The Nightmare Of Being (OFFICIAL VIDEO)

Century Media Records

Concept-album basé sur la philosophie du pessimisme, ce septième disque ne brusque pas son auditoire d'entrée de jeu : Spectre of Extinction et The Paradox ne déstabiliseront pas les fans. C'est en revanche dès l'étonnant Garden of Cyrus que la formation montre un nouveau visage. Totalement affranchi du qu'en dira-t-on, Jonas Björler (bassiste et unique compositeur) inclut à sa palette de nouvelles couleurs – toujours aussi sombres – amenées par des instruments à la présence plutôt rare dans ce style : ici un saxophone se substituant avec bonheur à une guitare lead, là une flûte, plus loin un violon...

Le triptyque Garden of Cyrus/Touched by the White Hands of Death/The Fall into Time laisse l'auditeur sans voix, contrairement à Lindberg dont l'organe rauque et strident constitue le seul et unique fil rouge reliant le combo à son passé plus abrasif. On peut sans aller chercher fort loin établir un parallèle entre cette spectaculaire évolution et celle qu'a connu The Haunted, l'autre groupe de Björler, entre 2006 et 2011.

AT THE GATES - The Paradox (OFFICIAL VIDEO)

Century Media Records

Boudés par le public à l'époque, ces changements avaient contraint les musiciens à revenir rapidement à leur style d'origine. Souhaitons mille fois qu'At The Gates continue d'aller où bon lui semble, tant The Nightmare of Being se montre en tous points majestueux et fascinant. Un retour en arrière serait une sacrée déception, d'autant que le groupe ne calme nullement le jeu : il multiplie les canaux par lesquels passent sa noirceur, comme l'ont fait à mainte reprise ses collègues anglais de Paradise Lost ou, dans un autre créneau, les magiciens québécois de Voïvod. En tout état de cause, quelle que soit la direction que prendra le groupe, il aura marqué 2021 par un album majeur qui sera à coup sûr au rendez-vous de bien des « tops » de fin d'année.

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