Quand le sauveur de la country music reprend Nirvana et rêve de Marvin Gaye...

2014 fut une année folle pour Sturgill Simpson. Son deuxième album, Metamodern Sounds In Country Music, rafla tous les suffrages et ce songwriter de Jackson, jusqu’ici assez éloigné des sunlights, devint en un claquement de doigt le sauveur de la country music. Une voix comme clonée de celle de Waylon Jennings, une plume totalement originale et des goûts on ne peut plus éclectiques allant de la soul d’antan au rock des Stones et des Clash. Du New York Times à Vogue en passant par le Village Voice, Rolling Stone et le L.A. Times, toutes les gazettes d’outre-Atlantique s’affolaient à juste titre de tant de talent… Son troisième album, A Sailor’s Guide To Earth, est la vraie conséquence de ce succès soudain qui éloigna Simpson, en tournée aux quatre coins du monde, de son fils qui venait de naître. Un disque en forme de lettre d’amour en quelque sorte. A ce fils qu’il culpabilise de laisser à la maison. Mais aussi à la musique qui l’a forgé. « Je voulais explorer les différents styles que j’aime. Comme un périple en musique. J’écoute beaucoup de Marvin Gaye et de Bill Withers. J’aime la façon dont George Harrison chantait et j’ai essayé d’incorporer ça également. Certaines personnes diront sans doute que j’essaie de fuir la country mais je ne peux pas faire autre chose qu’un disque de country. Dès que j’ouvre la bouche, ça donne une chanson country. » Et son fils donc : « Je n’arrêtais pas de m’interroger si je voulais vraiment rester sur la route durant tous ces mois, dans un bus de tournée, et passer à côté d’un tas de choses. Ce fut le point de départ de cet album, la culpabilité et le mal du pays. Il fallait que je traduise tout ça en musique et j’ai donc décidé d’écrire la totalité de l’album du point de vue d’un marin partant en mer sans savoir s’il reviendrait un jour chez lui… » Une vraie psychanalyse pour Sturgill Simpson qui fait aussi un parallèle entre les lettres envoyées à sa grand-mère par son grand-père alors sur le front dans le sud du Pacifique durant la Seconde Guerre Mondiale. « J’ai lu notamment cette lettre d’adieu qu’il lui a adressée à elle et à son bébé qui venait de naître, persuadé qu’il ne les reverrait jamais. Finalement, cinq ans plus tard il est rentré au pays… Je savais que je voulais faire un album concept dans la forme, comme mes disques préférés de Marvin Gaye où le résultat est un flot continue. Je voulais également que ce soit quelque chose que mon fils puisse écouter plus tard quand il sera grand et que je serai parti pour comprendre qui j’étais. Je voulais lui parler le plus directement possible. » A l’arrivée, A Sailor’s Guide To Earth est un album aussi fascinant que sa feuille de route le laissait présager. N’en faire qu’un opus de country est évidemment la blague à éviter, tant Sturgill Simpson vise et tire dans tous les angles, à tous les niveaux. Épaulé par la section de cuivres des Dap-Kings sur la majorité des chansons, il lorgne aussi bien vers le Elvis de 1969 (période Chips Moman) que la country soul d’un Tony Joe White, réveille les fantômes de la soul de Muscle Shoals, lâche des punchlines dignes de John Prine et, histoire de brouiller encore plus les pistes, immisce en plein milieu du disque une géniale reprise de In Bloom de Nirvana avec pedal steel et cuivres ! Du grand art.

Sturgill Simpson - "In Bloom"

SturgillSimpson

Sturgill Simpson - "Brace For Impact (Live A Little)"

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