Le grand Pops Staples ressuscité par Mavis Staples et Jeff Tweedy...

Les albums d’inédits ou de raretés des vieilles légendes – encore plus lorsqu’elles sont malheureusement au fond du trou – offrent rarement des pépites. Ce disque posthume de l’immense Pops Staples est évidemment l’exception qui confirme la règle… Aux manettes de ce Don’t Lose This qui parait le 12 février 2015, Jeff Tweedy de Wilco mais aussi Mavis Staples, la merveilleuse fille du défunt. Dans les oreilles, dix chansons mises en boite en 1999 par le songwriter, guitariste et chanteur soul et gospel, mais laissées de côté après sa disparition, l’année suivante, le 19 décembre 2000. Tout est en fait dans le titre : le père avait dit à sa fille en travaillant sur ces bandes, ne perd pas ça, conscient sans doute qu’il venait d’enregistrer une séance de très haute tenue. Mavis s’exécuta puisqu’elle apporta, une dizaine d’années plus tard, ces enregistrements à Tweedy avec qui elle venait de travailler sur One True Vine et You Are Not Alone. Le résultat est d’une beauté renversante. De la soul totalement dépouillée, infusée au gospel et au blues, jouée avec goût et produite dans la retenue pour mettre en exergue la voix chaude de Pops Staples et son jeu de guitare sans artifice. Le leader de Wilco a enregistré quelques parties de basse et de guitares supplémentaires, demandant à son fils Spencer de s’occuper de quelques ajouts de batterie. De légères bidouilles qui rendent évidemment Don’t Lose This on ne peut plus contemporain et lui apporte une vraie force sans travestir pour autant une quelconque authenticité des bandes originales. Bref, une merveille ! Rappelons enfin pour les plus jeunes que Pops Staples était à la tête des mythiques Staples Singers, une bien jolie embardée soul, gospel, blues et folk réunissant ses filles Mavis, Cleotha et Yvonne, et ayant gravé de sublimes chansons sur Riverside puis sur Stax (I'll Take You There, Respect Yourself, The Weight, Let's Do It Again). Pops était un proche de Martin Luther King et ses compositions portaient souvent en elles le vent de la révolte à l’ère de la lutte pour les droits civiques. Il croisera le fer avec de nombreuses épées parmi lesquelles Steve Cropper, Albert King, Curtis Mayfield, Ry Cooder ou bien encore le Band. Le meilleur pour la fin : le tubesque The Last Time enregistré par les Rolling Stones en 1965 était en fait une relecture de This May Be The Last Time, un traditionnel gospel « relancé » par les Staples Singers dix ans plus tôt. Keith Richards avouera d’ailleurs par la suite ce flagrant pillage…

Pops Staples - "Don't Lose This"

Pitchfork