Avec "Kvitravn", les maîtres norvégiens signent une puissante ode à la nature, loin des bons vieux clichés vikings...

Pas facile pour les groupes nordiques de faire de la musique folk inspirée par des siècles de tradition sans sombrer dans le cliché du viking, véritable image d’Épinal servie à toute les sauces . C’est pourtant l’exploit réalisé par Wardruna à chaque album depuis presque vingt ans. Parce qu’au-delà de l’utilisation d’instruments traditionnels, le groupe norvégien a su développer un univers musical teinté de mysticisme sur lequel plane une mélancolie quasi-gothique qu’aucune autre formation n’a réussi à reproduire ni égaler. Après une trilogie riche en arrangements vocaux, sur laquelle les chœurs se mêlent avec aisance aux nombreux instruments au sein d’une musique aux résonances par instants quasi-orchestrales, Wardruna avait recentré son propos sur Skald (2018), album dépouillé, d’une beauté simple, sorte de mise à nu acoustique aussi pure qu’émouvante.

Paru il y a quelques jours, Kvitravn avait donc fort à faire pour prendre le relais, tout en évitant de sombrer dans la redite. Encore une fois, le groupe fait mouche grâce à un disque qui le voit renouer avec des orchestrations plus fournies et le retour d’une rythmique percussive, mais avec un on ne sait quoi de plus contemporain dans le rendu final, sans jamais trahir ses racines folkloriques. Wardruna ferait du post-rock à sa manière ? Du post-folk voire du drone nordique ? Pourquoi pas. Si l’album semble emprunter certains chemins déjà balisés via la trilogie Runaljod réalisée entre 2009 et 2016 (surtout le second volet, Yggdrasil, sorti en 2013), il y ajoute une nouvelle respiration, une sorte d’aération plus présente apportée par une production qui a subtilement su conjuguer respect du timbre des instruments d’antan et exigences des canons d’écoute contemporains.

Wardruna - Kvitravn (White Raven) - Official music video

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Le corbeau blanc, titre de l’album et nom d’artiste d’Einar Selvik, leader du groupe (dont le passif en tant que batteur du combo de black metal Gorgoroth est désormais loin derrière lui) est un magnifique voyage qui, au-delà du retour à certaines orchestrations, remet en avant le travail des harmonies vocales, subtilement amenées (plus aériennes sur Kvitravn et plus sombres dans une couleur très drone sur Grá et sa toile grave tissée par des chœurs masculins plus profonds).

Chant spirituel, ode à la nature, hommage d’un groupe aux légendes et folklores... tout sonne de manière fluide et organique. Un voyage mystique qui atteint des sommets sur l’incroyable Andvevarljod de plus de dix minutes. Wardruna sort son disque le plus abouti et réussit un coup de maître en conservant les ingrédients qui font le sel de sa musique tout en offrant de nouvelles perspectives. Kvitravn est l’archétype de l’album issu d’un courant de niche susceptible de séduire un public beaucoup plus large sans rien renier de son ADN ni décevoir ses fans de la première heure. Bon voyage.

Wardruna: Kvitravn - Never Climb the Rootless Tree Episode I

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Wardruna: Kvitravn - Hunting the Songs Episode II

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Wardruna: Kvitravn - Knowledge is Ripe for Picking, Episode III

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Wardruna: Kvitravn - Sowing New Seeds - Strengthening Old Roots, Episode IV

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