« Chauffe Marcel, chauffe ! ». L’apostrophe lancée par Jacques Brel à Marcel Azzola dans l’enregistrement discographique de Vesoul en 1968 résume à elle seule la carrière et les choix artistiques du grand accordéoniste. Né le 10 juillet 1927 rue de la Chine à Paris, et mort le 21 janvier 2019 à Poissy, Azzola est avant tout célèbre pour être l’homme de l’ombre indispensable à tout le gratin de la musique populaire d’après-guerre.

Marcel Azzola est l’une des plus belles couleurs sonores de la chanson française des années 1950/1960 – d’Yves Montand à Barbara, en passant par Edith Piaf, Juliette Gréco, Jean Sablon ou Gilbert Bécaud. Il devient alors rapidement une silhouette familière pour le public, ainsi qu’un « requin de studio » fameux, selon la formule consacrée. A la même époque, il découvre le jazz, genre auquel il s’accoquinera à l’occasion de concerts avec Stéphane Grapelli, Django Reinhardt ou, plus tard, Toots Thielemans, Didier Lockwood, ainsi que son jeune confrère Richard Galliano. Le « Chauffe Marcel » de Brel, ce n’est ni plus ni moins qu’une réappropriation du langage du jazz dans la chanson. Au-delà de ce petit clin d’œil, la quasi transe des deux complices dans Vesoul brouille les frontières entre les genres et symbolise toute une époque où nombre d’airs populaires étaient habillés d’habits de lumière, grâce à des arrangeurs et des musiciens inventifs et inspirés.

Jacques Brel & Marcel Azzola "Vesoul" | Archive INA

Ina Chansons

Avec le jazz (ou plus exactement le swing), Marcel Azzola tente donc de dépoussiérer l’image de l’accordéon en France. En 2002, il fait également en sorte que la « piano à bretelles » soit présent pour la première fois au conservatoire national supérieur de musique. Mais Azzola, c’est aussi un musicien qui rentre malgré tout dans le moule de la pratique accordéonistique de son époque. Mais avec quel talent ! Les bals populaires, qu’ils soient donnés dans la salle des fêtes d’un village, une brasserie parisienne ou un Tour de France, font partie du quotidien du musicien. Avec son orchestre, il fait danser l’hexagone dans ses moindres recoins, tout comme sa consœur Yvette Horner, récemment disparue elle aussi. Et comme il se doit, ses concerts possèdent leur double discographique sous la forme d’albums labellisés « musique d’ambiance », où les standards se mêlent à des compositions originales. Parmi les tubes de l’artiste, citons Rue de la Chine (encore elle), ainsi que les délicieusement et subtilement entrainantes Délicatesse, Valses Blues et Pich’nette.

Marcel Azzola - L'homme à l'accordéon (1992)

Les archives de la RTS

Présent sur tous les fronts musicaux de son époque, Marcel Azzola est enfin un personnage indissociable du cinéma, pour lequel il a enregistré pléthore de bandes originales. Son accordéon est souvent l’occasion pour des cinéastes d’illustrer le Paris d’autrefois ou bien de raviver la nostalgie d’une époque révolue. C’est notamment le cas de Jacques Tati, dont Mon oncle (1958) et Playtime (1967) doivent beaucoup au musicien. Philippe Sarde (Le Juge et l’assassin, La veuve Couderc…) et Vladimir Cosma (Le Bal, La Zizanie…) sont sans doute les compositeurs de musique de film qui ont fait le plus appel à Azzola. Sans parler de son complice de toujours, Jacques Brel, dont le thème pour accordéon qu’il a composé pour L’Emmerdeur (1973) collent à la perfection au personnage pathétique de François Pignon. Depuis quelques jours, le cœur de Marcel Azzola ne chauffe plus, mais à l’image de la petite valse de Brel pour le film d’Édouard Molinaro, son toucher à la fois raffiné et virtuose restera dans la mémoire collective pour longtemps.

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