Rien n’est anodin chez Elliott Smith, même pas sa mort. Un couteau planté dans la poitrine, c’est ainsi que Steven Paul Smith (son vrai nom) s’en est allé à 34 ans, en 2003. La police conclut à un suicide, sans grande conviction. Ce qui met tout le monde d’accord, c’est sa fulgurante carrière, fermement adoubée par la planète rock toujours en quête de génie fauché, creusée hors du sillage du grunge qui vampirise le début des années 90.
Après les explosions post-punk de son groupe Heatmiser, l’icône encore inconnue de Portland épanche très vite sa dépression en solo avec le confidentiel Roman Candle (1993) et écume déjà ses thèmes de prédilection, abandon et désillusion. C’est avec l'éponyme Elliott Smith qui vient d'être réédité en 25th Anniversary Expanded Deluxe Edition que le succès commence à s’enclencher, doucement.
Le label Kill Rock Stars – ironie du sort – en fera une belle promotion, placardant le visage d’Elliott en vitrine chez les disquaires. Smith enregistre une nouvelle fois maison et l’empreinte sonore laissée est si intime qu’on croirait voir, sur le canapé de son ami Tony Lash, ses doigts glisser, ses lèvres souffler à mi-voix sa panoplie de ballades folk. De l’ouverture Needle in the Hay à la clôture The Biggest Lie en passant par Satellite, il déploie ses talents de songwriter avec trois bouts de ficelle et la lenteur de sa mélancolie. Il y a de rares touches de batterie et d’harmonica mais l'ensemble reste dépouillé de tout effort démonstratif.
Elliott Smith - Needle In The Hay (Lyric Video)
Kill Rock Stars“Je ne peux personnellement pas faire plus sombre que ça”, dira-t-il plus tard, lui qui voulait édulcorer le propos. Mais on ne se refait pas. “Je pense que je suis juste aussi heureux que tous ceux que je connais. Occasionnellement, donc.” Suivra la reconnaissance mondiale avec le nommé aux Oscars Miss Misery, présent sur Will Hunting de Gus Van Sant, puis l’excellent Either/Or.
La version anniversaire remasterisée d’Elliott Smith bénéficie des trouvailles du producteur et ingénieur du son Larry Crane qui, en fouillant dans les archives de l’époque, a déniché les meilleures sources de mixages de l’album. Mais le sel de cette nouveauté, c’est ce premier live solo, enregistré au Umbra Penumbra, un café de Portland, le 17 septembre 1994, où l’on entend Smith alpaguer l’auditeur entre deux morceaux. Une pépite.
Elliott Smith - Alphabet Town live 1995
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