Gestes barrières, distanciation sociale, couvre-feu, confinement, bulle sociale, injonctions à rester chez vous ! La période que nous vivons se révèle anxiogène : selon une étude publiée par Santé Publique France (enquête CoviPrev, 2020), la prévalence de l'anxiété était, au début du confinement, de 26,7 %, soit un taux deux fois supérieur à celui observé lors d'une précédente enquête (13,5 % en 2017). Cette poussée anxieuse provient en grande partie du fait que l'être humain, animal social, n'apprécie guère cet éventail de restrictions qui, malgré leur efficience dans la lutte contre l'épidémie, le coupent insidieusement des autres. Le lien social se délite, le mal-être augmente. C’est justement ici que la musique a un rôle à jouer.

Par Sean Luzi, consultant bien-être On sait que la musique a eu pour fonction, au cours des millénaires qui ont façonné notre évolution, de tisser une toile de sens entre les individus, favorisant l'émergence et la consistance de communautés diverses : chants tribaux, folklore, musiques traditionnelles, hymnes nationaux, compositions militaires, tubes générationnels, chefs-d'œuvre transgénérationnels… La partition musicale est aussi, bien souvent, une partition sociale qui relie les individus entre eux. Baudelaire disait d'elle qu'elle possède la capacité de “suggérer des idées analogues dans des cerveaux différents”, d'où l'utilisation qui en a été faite au cours de l'histoire pour rassembler les foules.

Ce que l'on sait moins, c'est que ce pouvoir que possède la musique, dans sa dimension connective, va produire un effet bénéfique sur nos émotions : cela va accroître le sentiment de sécurité et atténuer le sentiment de solitude, grand pourvoyeur d'anxiété et de mal-être. La musique agit donc comme un véritable anxiolytique, un antidote aux émotions toxiques qui pullulent sur le terreau de la crise sanitaire. En nous affranchissant de notre individualité, en nous connectant à plus vaste que nous, la musique nous réconforte dans son écrin harmonique. En période de confinement, écouter l'Ode à la joie de Beethoven, Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, Time de Hans Zimmer ou We Will Rock You de Queen peut nous transcender et ainsi générer en nous des émotions propices à alimenter notre sentiment d'appartenance à une famille, une communauté.

Au diapason des autres

Les études menées auprès de très jeunes enfants montrent qu'après avoir participé à une activité musicale avec une personne étrangère, les bébés recherchent activement le contact avec elle. Cela tend à prouver que la musique renforce l'empathie et alimente fortement le lien social. Surtout, elle crée cet élan qui pousse à aller vers l'autre, cette énergie précieuse composée d'émotions cinétiques telles que la confiance, l'enthousiasme, l'optimisme, la joie et l'amour, autant d'antidotes émotionnels qui seront d'une aide précieuse pour préserver notre bien-être et notre équilibre psychique en ces temps mouvementés.

Malgré l'interdiction des rassemblements, personne n'a oublié les émotions ressenties à l'occasion d'un concert, quand la vibration collective est au diapason des émotions véhiculées par l'artiste et que, dans la foule en liesse se propagent des sentiments aussi divers que l'euphorie, l'inspiration, la fierté ou l'admiration. Pourrait-on en conclure qu'en ces temps de restriction, écouter des albums live est de nature à instiller en nous une fraction de cette énergie collective captée durant le concert ? Assurément. Il ne fait aucun doute que notre cerveau limbique (émotionnel) est câblé pour nous connecter aux émotions collectives et que la stimulation d'un concert, même enregistré, peut nous donner le sentiment d'être connecté, du moins en partie, à l'intensité du moment, à la foule et aux artistes sur scène.

Partager la musique : un pont par-dessus la distanciation sociale

A l'ère de la dématérialisation, il n'a jamais été aussi simple de partager la musique qui nous inspire avec un membre de notre famille ou bien un(e) ami(e) qui vit à l'étranger. Ces nouvelles possibilités de partage permettent de partager l'émotion ressentie à l'écoute d'un titre ou d'un album, ce qui constitue en soi une offrande émotionnelle, laquelle nous relie aux autres de manière plus forte et plus tangible. C'est cette tangibilité du lien, renforcé par le partage de la musique en temps réel, qui redonne une consistance à notre maillage relationnel et nous permet de mieux traverser cette période loin des siens. Le partage est un élément central qui trône au centre des communautés humaines car il met en œuvre l'altruisme, la sollicitude ainsi que la réciprocité. Confiné(e)s chacun chez soi, la possibilité de partager le dernier titre de notre artiste coup de cœur avec notre entourage est un pont jeté par-dessus la distanciation sociale.

L'être humain, un animal musical

Une récente étude rapporte que, si les troubles du sommeil ont augmenté avec l'anxiété galopante, la consommation de tabac et d'alcool est également en hausse. Confiné(e)s, nous avons tendance à succomber à des comportements addictifs. La faute à l'aire tegmentale ventrale qui s'active dans notre cerveau lors de la privation de liens sociaux et de nourriture. Coupé(e)s de nos semblables, notre instinct nous pousse à combler le vide en cédant à des compulsions douteuses. Maintenant que nous sommes au courant de cette mécanique, il sera plus avisé de troquer les excès en tout genre contre des albums de tous genres (musicaux), afin de capitaliser sur les bienfaits émotionnels de la musique dans sa dimension connective et de profiter de l'élan de partage qu'elle peut faire naître en nous. L'être humain est résolument un animal social. En ces temps troubles où l'on se cloisonne, il est vital d'assumer pleinement notre animalité musicale.