Hi-Res
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Il y a des disques parmi les nouveautés que nous aimons bien, chez Qobuz, aller chercher en dehors des sentiers battus. Celui-là relève du miracle, et combine deux œuvres clé, un peu légendaires pour des raisons différentes dans le répertoire pianistique français. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’entend pas bien souvent la génialissime Sonate pour piano de Paul Dukas qui passe pour l'une des plus difficiles du répertoire. Et que dire de celle de Jean Barraqué, un compositeur qui semble avoir été rayé de la surface de la Terre musicale. Sa Sonate, écrite à l’âge de vingt-quatre ans et plus ou moins contemporaine de la Deuxième Sonate de Boulez, déploie un langage certes sériel mais dans lequel l’émotion, quasi-romantique, reste toujours présente. La pianiste Françoise Thinat, grande dame du piano français, nous donne ici son interprétation de ces deux monuments. Il faut le dire, sa lecture de la Sonate de Dukas (qu’elle a travaillée avec Yvonne Lefébure) est à redécouvrir impérativement, car elle est l’une des plus abouties et convaincantes de la discographie — la plus ample peut-être, la plus symphoniste aussi. Dans cet enregistrement de 1972, on oublie la technique (et pourtant !) au profit de la poésie. Quant à sa vision de la Sonate de Jean Barraqué — créée en France en 1972, en direct sur France Musique —, elle représente tout bonnement la voix de son maître puisque Thinat la travailla en étroite collaboration avec le compositeur dont elle était une amie proche. Le rapprochement de ces deux œuvres et leur interprétation souveraine font de cet enregistrement Arion réédité chez Solstice une pure merveille à ne surtout pas manquer ! © 2015 SM/Qobuz
« Votre disque est fort beau et ce fut une vraie joie de trouver, à mon retour de voyage, ce somptueux cadeau de Noël. Merci et bravo de tout cœur [...] J’ai retrouvé mes impressions éprouvées durant votre concert l’automne dernier : c’est ardent, passionné, plein d’intériorité aussi, de tendresse quand il le faut (notamment dans le sublime épisode fugué du scherzo et le rappel fugitif de cet épisode avant l’extrême fin de ce mouvement). C’est d’un très ferme dessin architectural, d’une grande unité de style et d’esprit, avec cette allure un peu hautaine et fière qui caractérise une telle musique. […] Vous devez être chaleureusement félicitée pour cette remarquable réalisation et remercié pour tout ce qu’elle nous apporte de richesses et de joies, présentes ou à venir. […] En ce moment même passe à nouveau le mouvement lent — vraiment très beau à tous points de vue : beaucoup de profondeur et d'émotion, et d'admirables couleurs dans votre sonorité.» (Extrait de la lettre adressée à Françoise Thinat par Henri Dutilleux en janvier 1973, à propos de la Sonate en mi bémol mineur de Dukas)
« Le souvenir de Jean Barraqué, compositeur torturé de scrupules et intransigeant s’il en fut, et l’ombre de la monumentale sonate pour piano, pesaient sur le concert entier. Nul n’est mieux placé que Françoise Thinat pour défendre cette œuvre : familière du compositeur, elle assura la création en concert lors des Semaines Musicales d’Orléans. Ne déclarait-elle pas la considérer comme une œuvre vitale, un jalon d’une importance comparable à la 2e sonate de Boulez ? Françoise Thinat s’est montrée la servante inspirée et farouche de cette œuvre-culte… Les coups de butoir, les terribles agrégations sonores, les cristallisations abruptes et la lumineuse décantation finale y gagnèrent en âpreté et en évidence ». (Michel Moulis à propos de la Sonate pour piano de Barraqué)