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Manuel de Falla

Manuel María de los Dolores Falla y Matheu, plus facilement reconnaissable sous le nom Manuel de Falla, est l'un des trois piliers de la musique espagnole du tournant du XXe siècle, avec ses aînés Albéniz et Granados. Pourtant, sa production est des plus modestes en volume, à l'égal de celle d'un Dukas par exemple : quatre grandes oeuvres scéniques, deux pièces majeures pour orchestre, une poignée de mélodies, un soupçon de musique pour piano, c'est à peu près tout. Cela dit, dans chacun de ces genres, il a produit au moins un immense chef-d'oeuvre.



Justement, les quatre oeuvres du domaine scénique sont quatre réussites parfaites. C'est d'abord La Vie brève de 1913, dans le registre du drame lyrique ; puis en 1919 Le Tricorne pour le ballet (l'un de ses ouvrages les plus célèbres au monde), suivi du Retable de maître Pierre écrit en 1923 dans le registre quand même assez rare de l'opéra pour marionnettes. Enfin, L'Amour sorcier, un ouvrage qui existe dorénavant sous trois formes différentes : initialement une «gitanerie» pour petit ensemble instrumental, chanteur flamenco et comédiens, puis une suite d'orchestre avec mezzo-soprano (de manière sans doute à rendre l'oeuvre plus internationale, car en 1916 les chanteurs flamenco n'étaient pas vraiment exportés), et enfin un ballet-pantomime dans une réécriture de 1927. Chacune de ces trois versions a ses caractéristiques propres, de sorte que l'on pourrait presque les considérer comme trois variations sur une thématique andalouse.



Pour l'orchestre, Manuel de Falla a écrit peu mais bien. Sa pièce la plus célèbre, à juste titre, est Nuits dans les jardins d'Espagne avec piano solo, achevée en 1916. Le piano y joue un rôle majeur, certes, mais sans que cela ne devienne un véritable concerto ; de Falla emprunte ici, largement, le ton appelé «impressionniste», qu'il a découvert avec Debussy lors de ses séjours parisiens. Debussy à qui il rendra hommage en 1939 avec son somptueux Hommages, une suite de clins d'oeil à des musiciens qui l'ont inspiré - Dukas, Arbós et Pedrell étant les trois autres. C'est là l'ultime chef-d'oeuvre de la grande maturité, où transparaît une certaine austérité - ou plutôt une intense économie de moyens, si l'on veut bien accepter cet oxymore.



Dans le domaine du chant, l'on retient en particulier les Sept chansons populaires espagnoles de 1914, d'une modernité effrénée et d'une extraordinaire complexité d'écriture, bien qu'à l'écoute, ce recueil semble simple, naturel, «terrien». De Falla a su métamorphoser les accents espagnols tantôt en une expression râpeuse, tantôt en un délice de douceur onirique d'une beauté irréelle.



Enfin, il convient de parler de l'inclassable Concerto pour clavecin qui est en réalité un sextuor - une pièce de musique de chambre donc - pour clavecin, flûte, hautbois, clarinette, violon et violoncelle, achevé en 1926. De Falla l'a écrit pour la claveciniste Wanda Landowska qui s'était attelée à remettre au goût du jour le son du clavecin, même si les instruments utilisés au début du XXe siècle étaient surtout de lourds Pleyel et non des instruments de l'époque baroque ! Le compositeur atteint ici un niveau d'abstraction tout à fait inouï, loin de la moindre espagnolade, dans un foisonnement de rythmes impensables, de tonalités tourneboulées, de lignes mélodiques complexes. Le public d'alors sembla quelque peu déboussolé, pensant que de Falla livrerait encore un ouvrage dans la veine hispanisante du Tricorne. Mais non , c'est de la musique puissamment moderne, abstraite, qui exige de la part de l'auditeur un petit effort d'adaptation. Mais quel chef-d'oeuvre !



Quelques pièces pour piano solo se singularisent encore dans le catalogue : la Fantaisie bétique écrite pour Arthur Rubinstein qui ne l'aima guère (à tort), et les Quatre pièces espagnoles de jeunesse, dédiées à Albéniz qui apprécia. Et sinon... c'est presque tout. L'oeuvre de Falla tiendrait sur le dos d'une coccinelle.



Quelques repères biographiques enfin. Naissance en 1876. Après une jeunesse sans histoire (et d'ailleurs assez peu documentée), il entre à vingt ans au Conservatoire de Madrid, rafle des Premiers prix en particulier avec quelques oeuvres de musique de chambre d'inspiration hispanisante, passe quelques temps à écrire deux ou trois zarzuelas (apparemment perdues) ; puis en 1907, il se laisse attirer par le phare éclatant de la musique contemporaine qu'est Paris, sur le conseil de Joaquin Turina. Il y rencontre Ravel, Debussy et Dukas qui, tous trois, marqueront à jamais sa conception de la musique. Il croise également Stravinsky, mais force est de constater que de Falla n'empruntera pas les mêmes chemins que l'illustre Russe. À son retour en Espagne en 1914, il peut s'enorgueillir d'avoir déjà une toute petite poignée d'oeuvres, rares mais marquantes. C'est à Madrid qu'il écrit quelques-unes de ses pièces de la première grande maturité, les Nuits dans les jardins d'Espagne, L'Amour sorcier et Le Tricorne qui sera donné par les ballets russes, dans les décors de Picasso.



Entre 1921 et 1939, il s'installe à Grenade, où ses ultimes bijoux verront le jour : c'est sa période la plus moderniste, lui qui est déjà le plus avant-gardiste des compositeurs espagnols de son temps. Il se lancera également dans la composition d'une grandiose cantate orchestrale, L'Atlantide, qu'il laissera inachevée à sa mort en 1947 - Ernesto Halffter, son ancien élève, en établira une réalisation en 1962 d'après les brouillons et esquisses, mais de Falla avait-il perdu un peu de son inspiration ?



En 1939, fuyant le régime franquiste, Manuel de Falla s'exile en Argentine où il vivra en solitaire, ne composant presque rien hormis quelques adaptations de chants religieux, à en croire le site d'Internet qui lui est consacré, mais les détails manquent : l'information est donc donnée sous réserve ! C'est dans les montagnes du nord de l'Argentine qu'il s'éteint en 1946, loin de son Espagne, alors que Franco lui avait offert un pont d'or s'il voulait bien rentrer, ce qu'il refusera toujours - de son vivant, puisqu'en 1947 sa dépouille fut rapatriée pour être inhumée dans la cathédrale de Cadix.



© Qobuz 02/2013

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