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Chronique

Bill Callahan n’irait sans doute pas s’énerver pour si peu (ni pour rien d’autre d’ailleurs), mais il en a peut-être assez qu’on le présente comme le digne et unique successeur de Leonard Cohen. En même temps, il y a pire référence. Et Reality ne va rien changer à l’affaire. Avec sa voix très basse et légèrement déchirée, sa guitare acoustique et ses chansons zen enchantées par des chœurs féminins, Bill Callahan incarne plus que jamais le digne, unique et indispensable successeur de Leonard Cohen. Reality est plus ou moins son vingtième album en autant d’années de carrière. C’est la suite du cycle « bonheur conjugal et familial » entamé il y a trois ans avec l’album Shepherd in a Sheepskin Vest et poursuivi en 2020 avec Gold Record.

Autrefois connu comme le chantre des névroses, de l’errance et de l’inconfort, il enregistre maintenant des disques plus tranquilles et accueillants, posés. Son style est là (des chansons hypnotiques, métronomiques, comme du krautfolk domestique) et Reality se distingue par l’apparition de quelques cuivres, d’un piano et un jeu collectif délié et instinctif, qui parfois vise le jazz ou les formes libres du folk-rock des années 70. Jamais monotones, ses chansons ressemblent à de paisibles épopées qui avancent vers la lumière. Comme tout le monde éreinté par la double peine des années Trump et Covid, Bill Callahan a voulu faire un disque dans lequel ses auditeurs puissent se reconnaître et trouver refuge. Mission accomplie sur une bonne moitié de l’album, dont le magnifique morceau Natural Information, au parfum de classique soul-folk régénérant. © Stéphane Deschamps/Qobuz