Triple entente

Chronique

Difficile de trouver plus judicieux que ce titre de Triple entente… Diego Imbert et Michel Perez, désiraient de manière doublement entendue, s’amuser à une difficulté triple et partager avec leur ami Sylvain Beuf de nouvelles compositions pour élargir une palette déjà très colorée. Le premier défi résidait dans la combinaison des instruments du collectif, en l’occurrence le saxophone, la guitare et la contrebasse, ce qui suppose une notion sans faille du tempo. Le second pari tenait dans le choix de la pratique, très utilisée dans le bebop, appelée démarcation, qui consiste a emprunter la grille harmonique et la structure d’un standard pour composer une toute nouvelle mélodie. Ainsi So What de Miles Davis devenait Impressions sous le souffle de John Coltrane et How High The Moon de Morgan Lewis se transformait en un Ornithology d’anthologie chez Charlie Parker. Ici, avec Triple Entente, On A Green Dolphin Street de Bronislau Kaper se réinvente en un très monkien Dauphin Bleu grâce à Michel Perez, All The Things You Are de Jerome Kern se métamorphose via Sylvain Beuf en un prometteur Last Moment et You Stepped Out Of A Dream de Nacio Herb Brown se renouvelle en Dream Team avec Diego Imbert. La troisième gageure, et non la moindre, a été finalement de réunir cet équipage de rêve capable d’inviter l’auditeur au plaisir non dissimulé d’une croisière vers les rives luxuriantes de l’improvisation. Techniciens accomplis et à l’inspiration fertile, les trois camarades savent tirer de leurs instruments respectifs des sons d’une grande expressivité qui s’entremêlent, se soutiennent, se complètent, se quittent parfois d’une même mesure pour se retrouver plus loin. La musique est bien là, lascive ou retenue, exaltée ou vivifiante, elle se donne, généreuse, pour un remarquable voyage qui se démarque inexorablement des chemins subtilement empruntés.