The Source

Chronique

Le disque solo est un sans filet total. Une sorte d’épreuve du feu. Kenny Barron a beau être un maître – un vrai maître, et pas un petit-maître comme certains pourraient le croire –, il n’avait pas tâté un tel exercice depuis des lustres ; quarante ans même, selon ses biographes… À quelques encablures de ses 80 ans, le pianiste de Philadelphie délaisse donc son trio avec le contrebassiste Kiyoshi Kitagawa et le batteur Johnathan Blake pour une balade en solitaire sublimissime intitulée The Source et enregistrée à Paris, au théâtre de l’Athénée. Lui qui n’a cessé de partager sa musique se regarde dans un fascinant miroir fait de compositions personnelles et de standards. Depuis toujours, Barron est un concentré de musique. De raffinement. De swing et d’épure, nectar qui semble parfois avoir été éradiqué de cette planète. Un style forgé et partagé avec tous les plus grands de l’histoire du jazz parmi lesquels Yusef Lateef (« Une vraie source d’inspiration, avant même que je joue avec lui. »), Dave Holland (« J’adore la perfection de son intonation et son sens de la mélodie. »), Ron Carter (« À son contact, j’ai appris à jouer plus doucement. »), Stan Getz (« Sa façon d’aborder la mélodie était sans égale. Peu de musiciens ont une telle personnalité sonore. ») et mille autres ! Dans cette Source, Kenny Barron fait résonner cette histoire, son histoire. Ses rencontres aussi. Et son piano devient un orchestre complet, un orchestre total ! Harmoniquement, rythmiquement, mélodiquement, le feu d’artifice (feutré) est impressionnant. Même son style digère ici, avec intelligence, tous les styles. Et qu’il lorgne le stride ou le bop, ou ailleurs, le Barron de The Source est un prince en puissance. Magnifique. © Marc Zisman/Qobuz