From Her to Eternity (2009 Remastered Version)

Chronique

On reconnaît un artiste habité par une vision au fait que son univers se retrouve tout entier dans chacune de ses œuvres, aussi différentes soient-elles les unes des autres. Cette définition peut parfaitement s’appliquer à Nick Cave, qui a su se renouveler à chaque album, parfois même de manière assez radicale, tout en ressassant sans fin les mêmes obsessions fondatrices de son œuvre.

 

Ainsi, son premier album solo a souvent été perçu comme la suite logique (bien qu’un peu moins extravertie) des disques explosifs de The Birthday Party.  Or, si l’on retrouve bien, ici et là, les pulsions bruitistes propre à l’ancien groupe de Nick Cave (« Cabin Fever ! », sa rythmique tribale et ses guitares barbelées), l’album est surtout intéressant pour ce qu’il laisse entrevoir de l’univers personnel du chanteur et pour les perspectives artistiques qu’il ouvre, même de façon partielle et imparfaite.

 

Il n’est bien sûr pas anodin de débuter un premier album sur une reprise de Leonard Cohen (« Avalanche ») : avec un tel choix, le primat du songwriting est posé d’entrée de jeu et c’est effectivement la voie que Cave choisira de suivre sur les albums suivants.

 

Ce premier essai porte également en lui de nombreux éléments qui seront développés dans les disques ultérieurs de Nick Cave : sur le fond, on retrouve déjà les thèmes du désir obsessionnel confinant à la folie (« From Her to Eternity ») et de la religion, ici envisagée sous l’angle de l’absence de rédemption (« Well of Misery »). Les références à Elvis Presley (« Saint Huck ») et aux racines de la musique populaire américaine (« Well of Misery » et ses allures de chant d’esclave, préfigurant de loin le concept des Murder Ballads) sont elles aussi présentes.

 

Sur la forme, le morceau-titre peut être considéré comme le premier d’une série d’hymnes épiques jouant sur l’effet de tension (de « The Mercy Seat » à « Papa Won’t Leave You, Henry »), tandis que la reprise de « In the Ghetto » d’Elvis dévoile la nature de « crooner » de Cave, qui sera si bien exploitée sur The Boatman’s Call ou No More Shall We Part. De même, l’ambiance de cabaret malsain qu’installent « The Moon Is in the Gutter » ou « A Box for Black Paul » annonce déjà le troublant The Good Son.

 

From Her to Eternity contient donc déjà, en germe, tout l’univers de Nick Cave. La (mauvaise) graine est maintenant plantée ; il ne reste plus qu’à la faire pousser.

 



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