Evenings At The Village Gate: John Coltrane with Eric Dolphy (Live)

Chronique

Autant le dire d’emblée, ce document miraculeusement retrouvé dans les archives de la bibliothèque publique de New York souffre d’avoir été capté sur le vif avec un seul microphone, dans des conditions précaires que la technique contemporaine ne parvient pas totalement à compenser. Ceci posé, découvrir 90 minutes totalement inédites de John Coltrane enregistré live en août 1961 au Village Gate, à l’un des moments les plus décisifs de sa révolution personnelle, est le genre de petits plaisirs auquel aucun amateur de musique ne devrait être en mesure de résister…

A la tête de son quartet régulier constitué à l’époque de McCoy Tyner au piano, Reggie Workman à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie, Coltrane, principalement au saxophone soprano, s’y montre tout du long animé d’un souffle et d’une intensité lyrique proprement irrésistibles. Augmentée sur la totalité des morceaux par Eric Dolphy (tour à tour à la flûte, à la clarinette basse et au saxophone alto), ainsi que sur certaines plages par un second contrebassiste en la personne d’Art Davis, la formation s’engage à corps perdu dans de longues interprétations de quelques thèmes amenés à devenir des classiques du saxophoniste (Impressions et l’iconique standard My Favorite Things, une fois de plus revisités de fond en comble.

On trouve aussi Greensleeves et Africa, deux compositions enregistrées alors tout récemment par Coltrane sur son album Africa/Brass et dont cet enregistrement constitue probablement les premières occurrences live) mais aussi d’une composition plus traditionnelle signée par Benny Carter, When Lights Are Low, offrant à Dolphy l’occasion de démontrer toute son originalité. Quelques mois plus tard, en août de la même année, Coltrane investira le mythique Village Vanguard de New York à peu près dans la même configuration orchestrale (Jimmy Garrison remplaçant Workman à la contrebasse pour constituer la mouture authentiquement historique du quartet) pour des prestations hallucinantes, dont un disque entré dans la légende, Live at the Village Vanguard, a conservé la trace. Ces soirées au Village Gate en sont en quelque sorte l’avant-goût. © Stéphane Ollivier/Qobuz